2013 :
J’aurais voulu ? Non,
je veux ce qui est déjà là !
La
fin du monde cataclysmique du 21 décembre n’a pas eu lieu. Et pourtant l’agonie
du vieux monde a commencé. Le monstre mortellement blessé tire ses dernières
salves. Il s’agite tous azimuts, frénétique, il tente de sauver ce qu’il croit
pouvoir l’être. Il s’accroche à ses ultimes avoirs, se terre derrière le
rempart de ses possessions, de son pouvoir qu’il soit militaire, économique,
religieux ou politique ou hélas les quatre réunis dans ses mains étrangleuses
de vie vraie. Il lance ses dernières cartouches – les plus meurtrières !
Affolé,
le monstre se livre à des tractations, à des alliances contre-nature, à des
transactions ubuesques. Il attaque frontalement ou sournoisement les figures de
proue du changement ; il alimente ou fomente des pseudo révolutions, il
manipule les printemps libérateurs. Il tue sans pitié en désignant à la
vindicte populaire les coupables qu’il a choisis. Il envoie ses « soldats
de la paix » semer le désordre et le malheur sur leur passage. Il continue
d’écarteler et d’exploiter l’Afrique aidé en cela par les potentats locaux qui
lui ont vendu leur âme. Il saigne Haïti condamnée à payer éternellement
l’inexcusable faute d’avoir osé. Il interdit à chaque petit palestinien le
droit de vivre son enfance dans une maison sienne, dans un pays sien. Il fait
des oraisons pour que meurent Chávez et Morales.
Et
ce qui vaut pour le monde vaut pour mon si petit pays. Son éloignement
géographique de la tête du monstre et sa petitesse ne le tiennent pas à l’abri
de ses soubresauts désordonnés. Les tentacules de la Bête arrivent jusqu’à
nous, accueillies, alimentées, caressées par les relais locaux dont elle sait
flatter la vanité et la soif d’encore plus de pouvoir…
Alors,
le monde aurait-il vraiment dû disparaître le 21 décembre dernier ? N’y
a-t-il désormais de place que pour les pronostics les plus sombres ? Ne
nous reste-t-il rien d’autre à faire que de regarder notre pays et la terre
sombrer dans une fin qui ne dit pas son nom ?
Ce
n’est pas le choix que je fais et je ne crois pas être dans l’illusion, même si
je me qualifie moi-même de « naïve volontaire ».
Parce
qu’il y a toujours eu, même aux moments les plus sombres de l’Histoire, il y a
toujours eu, parallèlement aux forces obscures, œuvrant sans relâche, les
forces têtues de la lumière. La lumière n’était pas alors et n’est pas dans les
grands éclats, les foudroiements, les étincelles crépitantes. Si les forces du
progrès ont pu parfois être incarnées par des hommes et des femmes-silex, des
figures flamboyantes dont l’exemple reste gravé en nos esprits, elles le furent
(et le sont) plus souvent incarnées par des êtres dont l’Histoire n’a pas
retenu le nom. Par des petits gestes répétés et obstinés. Par des petites
choses, des petits riens. Par un enfant juif caché et protégé jusqu’à la fin du
cauchemar nazi. Par un esclave fugitif et blessé recueilli et soigné au péril
de sa vie. Par la même intention d’amour dans le bout de pain que l’on tend que
dans le sourire que l’on offre. Par la même foi que l’on met dans le geste de
nettoyer une plage salie par nous que dans une prière lancée vers le ciel. Par
le fait d’accepter de se perdre dans l’anonymat d’une foule en marche tout en
cultivant la conviction que votre présence, même anonyme, compte et fait la
différence. Par la magie d’une mélodie ou d’un poème dont personne ne se
souvient de l’auteur mais qui, à travers les âges, réchauffe le cœur.
Les
media et nos esprits déformés par la souffrance continuent de faire focus sur
les trahisons, les défections, les défaites, le sang, la peur, la haine, la
division, l’absence d’unité.
Comprenez
qu’il ne s’agit en rien de nier tout cela qui existe. Mais en donnant TOUTE la
place à cela, nous lui créons TOUT l’espace pour qu’il existe et se développe.
Et ceux qui œuvrent au quotidien, où qu’ils soient, dans leur travail, dans
leurs familles, dans leurs églises, devant leurs autels, à travers leur art,
leur savoir-faire et leur savoir-être le font dans la plus grande discrétion,
quand ça n’est pas dans l’oubli ou le dédain le plus grand.
Pour
ce qui est de mon pays j’aurais tellement voulu, j’aurais tellement aimé que
nous soyons en mesure de percevoir, derrière les entités marins-pêcheurs, petit
entrepreneur, ouvrier agricole, petit planteur, syndicalistes, écologistes,
etc. des hommes, des femmes, des enfants qu’une fois la grève des
marins-pêcheurs terminée nous rencontrerons à la messe, dans une soirée-bèlè,
dans un zouk, sur un marché agricole ou à la caisse d’un supermarché.
J’aurais
tellement voulu que nous puissions mesurer à quel point, même s’ils semblent
diverger et même nous opposer farouchement, nos combats prennent source au même
lieu, ce lieu qui en chacun de nous et depuis la nuit des temps, nous pousse,
nous charrie vers l’éclosion de cet espace à la fois intime et social où nous
sommes, où nous donnons, où nous exprimons le meilleur de nous-mêmes, où nous
aspirons, pour nous et pour tous au meilleur de ce qui peut exister, ici et
maintenant !
J’aurais
tellement aimé que les dealers, que les vendeurs de mort, cherchant des jeunes
à qui refiler leurs merdes, n’en trouvent pas un seul à se mettre sous la main
parce que chaque jeune de mon pays serait alors trop occupé à travailler, à
créer, à s’éclater sainement pour ne serait-ce qu’entendre le chant discordant
des sirènes.
J’aurais
voulu. J’aurais tellement aimé… J’aurais…
Mais
disant ainsi : « j’aurais voulu » j’ai soudain conscience que je
ne fais que dire, en filigrane que je n’y crois pas vraiment, que ce serait
trop beau pour se manifester… Alors, à la voix grimaçante en moi, je
réponds :
Que
tout cela est déjà là. Que tout cela se manifeste déjà. Que comme je l’ai dit
précédemment, ce n’est pas parce que je ne la regarde pas que la lumière n’est
pas à l’œuvre. Ce n’est pas parce que je ne les entends pas, que les forces du
progrès ne lancent pas leurs clameurs enthousiastes depuis les entrailles de la
terre jusqu’au plein ciel. Que ce n’est pas parce que le vieux monde nie sa fin
qu’il n’est pas moins caduc et moribond. Que ce n’est pas parce que le ciel est
présentement colonisé par une armée de nuages que le soleil cesse de briller.
Je
lui réponds aussi que ce n’est pas que mystique. Que c’est mathématique.
Pendant que l’attention de tous est focalisée sur les macaqueries du vieux
monde, l’ère nouvelle fourbit ses « armes miraculeuses »
depuis nanni-nannan ; les guerriers des nouveaux temps savent que s’ils
parviennent à se protéger des dernières et meurtrières salves du monstre, s’ils
parviennent à s’unir pour en hâter la fin, alors le rêve peut s’autoriser à
sortir au grand jour, au grand soleil, volé-dansé anba zèl soley. Ils savent
que le rêve acceptera de mourir à lui-même pour laisser place à la réalité
manifestée. Une réalité désormais si douce que – ainsi que je l’ai lu il y a
peu sur un mur facebook l’on voudrait ne pas dormir pour la VIVRE !
Bonne,
lumineuse et heureuse année 2013
Je
vous aime. Je nous aime.
Nicole
Cage
Le
30 décembre 2012
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