La tentative de museler Dieudonné M’Bala M’Bala, la
Bête Noire de l’establishment français
Les médias traditionnels
et les politiques commencent la nouvelle année avec une résolution
partagée
pour 2014 : museler définitivement un comédien franco-africain qui
devient
trop populaire auprès des jeunes gens.
Entre
Noël et la Saint-Sylvestre, ce n’est personne d’autre que le Président
de la République,
François Hollande qui, lors d’une visite en Arabie Saoudite pour de
(très
grosses) affaires commerciales, a déclaré que son gouvernement devait
trouver
un moyen d’interdire des spectacles de l’humoriste Dieudonné M’Bala
M’Bala,
ainsi qu’a appelé à le faire le ministre français de l’Intérieur,
Manuel Valls.
Le
leader du parti conservateur d’opposition, l’UMP Jean-François Copé, a
fait immédiatement
chorus en apportant un « soutien total » à la réduction au
silence de
l’incontrôlable comédien.
Au
milieu de ce choeur médiatique unanime, l’hebdomadaire Le Nouvel
Observateur a écrit
en éditorial que Dieudonné est « déjà mort, » lessivé, fini.
La rédaction
débattait ouvertement de la meilleure tactique entre essayer de le
faire
emprisonner pour « incitation à la haine raciale »,
l’annulation de
ses spectacles sur la base de potentielles « menaces de trouble à
l’ordre
public, » ou l’exercice de pressions en menaçant les communes de
diminuer
le montant des subventions pour la culture si elles l’autorisent à se
produire.
L’objectif de Manuel Valls, le patron de la police nationale, est
clair, mais
le pouvoir tâtonne quant à la méthode.
Le
cliché méprisant qui est constamment répété est que « Dieudonné ne
fait
plus rire personne. »
En
réalité, c’est le contraire qui est vrai. Et c’est là le problème. Dans
sa récente
tournée dans les villes françaises, des vidéos montrent de grandes
salles archi
combles pliées de rire devant leur humoriste préféré. Il a popularisé
un geste
simple qu’il appelle la « quenelle. » Ce geste est imité par
des
jeunes gens dans toute la France. Elle veut dire tout simplement et à
l’évidence :
on en a marre.
Pour
inventer un prétexte pour détruire Dieudonné, la principale
organisation juive,
le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France,
équivalent
français de l’AIPAC) et la LICRA (Ligue internationale contre le
racisme et l’antisémitisme),
qui jouit de privilèges particuliers dans le droit français (la
journaliste
parle du droit de se porter partie civile, NdT) ont sorti une histoire
extravagante pour qualifier Dieudonné et ceux qui le suivent de
« nazis. »
La quenelle n’est selon toute évidence qu’un geste grossier signifiant
à peu près
« dans ton cul » avec une main placée en haut de l’autre bras
pointé
vers le bas pour préciser la longueur de la quenelle.
Mais
pour le CRIF et la LICRA, la quenelle est « un salut nazi à
l’envers ».
(On n’est jamais assez « vigilant » quand on cherche un
Hitler caché)
Comme quelqu’un l’a remarqué, un « salut nazi à l’envers »
peut tout
aussi bien être considéré anti-nazi. Si encore le geste a quelque chose
à voir
avec Heil Hitler. Ce qui n’est manifestement pas le cas.
Mais
le monde des médias reprend cette affirmation, en signalant tout du
moins que « certains
considèrent la quenelle comme un salut nazi à l’envers. » Peu
importe si
ceux qui pratiquent ce geste n’ont aucun doute sur ce qu’il veut
dire : N…e
le système !
Mais
jusqu’à quel point le CRIF et la LICRA sont-ils « le
système » ?
La
France a un grand
besoin de rire
L’industrie
française est en train de disparaître, avec des usines qui ferment les
une s
après les autres. L’imposition des citoyens à faibles revenus est à la
hausse,
pour sauver les banques et l’euro. La désillusion vis-à-vis de l’Union
européenne
est de plus en plus forte. Les règles de l’UE empêchent toute action
sérieuse
pour améliorer l’état de l’économie française. Pendant ce temps, les
politiciens de gauche et de droite continuent leurs discours creux,
émaillés de
clichés sur les « droits de l’homme » – en grande partie
comme prétexte
pour aller à la guerre au Moyen-Orient ou pour des diatribes contre la
Chine et
la Russie. Le pourcentage d’opinions positives sur le président
Hollande a dégringolé
à 15%. Pourtant les gens votent, avec pour résultat les mêmes
politiques, décidées
par l’UE.
Pourquoi
alors la classe dirigeante concentre-t-elle sa vindicte sur
« l’humoriste
le plus talentueux de sa génération” (ainsi que le reconnaissent ses
confrères,
même quand ils le dénoncent) ?
La
réponse en bref est probablement que la popularité montante de
Dieudonné auprès
de la jeunesse illustre un accroissement de l’écart entre générations.
Dieudonné
fait rire aux dépends de l’ensemble de l’establishment politique. Ce
qui a eu
pour conséquences un torrent d’injures et de démarches pour interdire
ses
spectacles, le ruiner financièrement et même le faire aller en prison.
Les
attaques verbales fournissent le contexte propice à des agressions
physiques
contre lui. Il y a quelques jours, son assistant Jacky Sigaux a été
agressé
physiquement en pleine journée par plusieurs hommes masqués devant la
mairie du
19ème arrondissement – juste en face du parc des Buttes Chaumont. Il a
déposé
plainte.
Mais
quelle protection peut-on espérer de la part d’un gouvernement dont le
ministre
de l’intérieur, Manuel Valls – en charge de la police – a promis de
trouver les
moyens de faire taire Dieudonné ?
Cette
affaire est importante mais il est pratiquement certain qu’elle ne sera
pas
traitée correctement dans les médias hors de France – exactement comme
elle n’est
pas traitée correctement dans la presse française qui est la source de
presque
tout ce qui est rapporté à l’étranger. Les problèmes liés à la
traduction, une
part de malentendus et de contrevérités ajoutent à la confusion.
Pourquoi
le haïssent-ils ?
Dieudonné
M’Bala M’Bala est né dans la banlieue parisienne il y a 48 ans Sa mère
était
une blanche originaire de Bretagne, son père était un Africain
originaire du
Cameroun. Ce qui devrait faire de lui l’enfant-modèle du
« multiculturalisme »
que l’idéologie dominante de la gauche affirme promouvoir. Et durant la
première
partie de sa carrière, en duo avec son ami juif Elie Semoun, il était
exactement ça : il faisait campagne contre le racisme, concentrant
ses
attaques sur le Front National allant même jusqu’à se présenter aux
élections
municipales contre une candidate du Front National à Dreux, une cité
dortoir à
environ 90 kilomètres à l’ouest de Paris où il réside. Comme les
meilleurs
humoristes, Dieudonné a toujours ciblé les événements de l’actualité,
avec un
engagement et une dignité peu courants dans la profession. Sa carrière
était
florissante, il jouait dans des films, était invité à la télévision et
travaillait désormais en solo. Très bon observateur, il excelle dans
des
imitations assez subtiles de divers types de personnalités et groupes
ethniques, des Africains aux Chinois.
Il
y a dix ans, le 1er décembre 2003, en tant qu’invité dans une émission
de télévision
traitant d’actualité intitulée « On ne peut pas plaire à tout le
monde, »
un nom tout à fait approprié, Dieudonné était arrivé sur le plateau
sommairement déguisé en « converti au sionisme extrémiste »,
suggérant
aux autres de « rejoindre l’axe du bien isaélo-américain. ».
Cette
mise en cause relativement modérée de « l’axe du mal » de
George W.
Bush semblait complètement dans l’air du temps. Ce sketch se terminait
par un
bref salut « Isra-heil ». On était loin du Dieudonné des
débuts mais
l’humoriste populaire avait été néanmoins salué avec enthousiasme par
les
autres comédiens tandis que le public présent sur le plateau lui avait
fait une
standing ovation. C’était dans la première année de l’attaque
américaine contre
l’Irak à laquelle la France avait refusé de s’associer, ce qui avait
amené
Washington à rebaptiser ce qu’on appelle là-bas « french
fries »
(belges en réalité) en « freedom fries » .
Puis
les protestations ont commencé à arriver, concernant particulièrement
le geste
final vu comme posant une équivalence entre Israël et l’Allemagne nazie.
« Antisémitisme ! »
criait-on même si la cible du sketch était Israël (et les Etats Unis et
leurs
alliés au Moyen Orient). Les appels se multipliaient pour interdire ses
spectacles, le poursuivre en justice, détruire sa carrière. Dieudonné a
essayé
d’expliquer que son sketch ne visait pas les Juifs en tant que tels
mais, à la
différence d’autres avant lui, il n’a pas présenté d’excuses pour une
offense
qu’il considère ne pas avoir commise.Pourquoi n’y-a-t-il pas eu de
protestations de la part des Africains dont il s’est moqué ? Ou
des Musulmans,
Ou des Chinois ? Pourquoi une seule communauté a-t-elle réagi avec
autant
de rage ?
A
commencé alors une décennie d’escalade. La LICRA entama une longue
série d’actions
en justice contre lui (« incitation à la haine raciale »),
les
perdant au début mais ne relâchant pas la pression. Au lieu de céder,
après
chaque attaque Dieudonné a poussé plus avant sa critique du
« sionisme »,
Dans le même temps, Dieudonné était graduellement exclu des studios de
télévision
et traité comme un paria par les médias grand public. C’est seulement
la
profusion récente sur internet d’images montrant de jeunes gens en
train de
faire le geste de la quenelle qui a poussé l’establishment à conclure
qu’une
attaque frontale serait plus efficace que d’essayer de l’ignorer.
L’arrière-plan
idéologique
Pour
essayer de comprendre la signification de l’affaire Dieudonné, il est
nécessaire
d’appréhender le contexte idéologique. Pour des raisons trop complexes
pour qu’on
les présente ici, la gauche française – la gauche dont la préoccupation
principale était autrefois le bien-être des travailleurs, l’égalité
sociale, l’opposition
aux guerres d’agression, la liberté d’expression – n’existe
pratiquement plus.
La droite a gagné la bataille décisive de l’économie avec le triomphe
de
politiques qui favorisent la stabilité monétaire et les intérêts du
capital
dfinancier international (le « néolibéralisme »). Comme prix
de
consolation, la gauche jouit d’une certaine prééminence idéologique
basée sur l’anti-racisme,
l’anti-nationalisme et l’engagement en faveur de l’Union Européenne –
et même
de l’hypothétique « Europe sociale » qui s’éloigne à grands
pas pour
rejoindre le cimetière des rêves disparus. En fait, cette idéologie
coïncide
parfaitement avec une mondialisation fondée sur les exigences du
capitalisme
financier international.
En
l’absence de toute véritable gauche sociale et économique, la France a
sombré
dans une sorte de « politique de l’identité » qui fait à la
fois l’éloge
du multiculturalisme et réagit avec véhémence contre le
« communautarisme »,
c’est-à-dire l’affirmation de n’importe quel particularisme jugé
indésirable.
Mais certains particularismes ethniques sont encore moins les bienvenus
que d’autres.
Le voile islamique a été d’abord interdit dans les écoles, et les
demandes pour
le faire interdire dans l’espace public se font de plus en plus
pressantes. Le
niqab et la burqa, quoique rares, ont été interdits par une loi. Des
controverses éclatent sur la nourriture halal dans les cantines, les
prières
sur la voie publique, tandis que des caricatures raillent régulièrement
l’Islam.
Quoi qu’on puisse penser de tout ça, la lutte contre le communautarisme
peut être
vue par certains comme dirigée contre une communauté en particulier.
Dans le même
temps, les dirigeants politiques français ont pris la tête de ceux qui
appellent à la guerre dans des pays musulmans comme la Libye et la
Syrie tout
en affichant leur dévotion pour Israël.
En
même temps, une autre communauté fait l’objet d’une sollicitude de tous
les
instants. Ces vingt dernières années, alors que la pratique religieuse
et l’engagement
politique ont considérablement décliné, l’holocauste, appelé Shoah en
France,
est devenu progressivement une sorte de religion d’Etat. Les écoles
commémorent
la Shoah chaque année, elle domine de plus en plus dans une conscience
historique en recul sous les autres aspects tout comme nombre
d’approches en
sciences humaines. En particulier, de tous les événements de la longue
histoire
de France, le seul protégé par une loi est la Shoah. La loi dite
Gayssot
prohibe tout questionnement sur l’histoire de la Shoah, une
interférence
absolument sans précédent avec la liberté d’expression. En outre,
certaines
associations comme la LICRA, se sont vues accorder le privilège de
pouvoir
poursuivre des individus en justice sur la base de « l’incitation
à la
haine raciale » (interprétée de manière très large et inégale)
avec la
possibilité d’encaisser des dommages et intérêts au nom de la
« communauté
insultée ». En pratique, ces lois servent surtout à poursuivre
« l’antisémitisme »
présumé et le « révisionnisme » par rapport à la Shoah. Même
si elles
sont souvent rejetées par les tribunaux, de telles actions en justice
participent du harcèlement et de l’intimidation. La France est un des
rares
pays où le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre
la
colonisation israélienne peut aussi être attaqué devant les tribunaux
pour « incitation
à la haine raciale. »
Organisation
violente, la Ligue de Défense Juive (LDJ), illégale aux Etats Unis et
même en
Israël, est connue pour avoir saccagé des librairies ou frappé des
individus
isolés, parfois âgés. Quand les agresseurs sont identifiés, la fuite en
Israël
est une bonne porte de sortie. Les victimes de la LDJ n’inspirent
jamais dans l’opinion
publique quoi que ce soit de comparable à l’indignation publique
massive quand
un citoyen juif est victime d’une agression gratuite. Par ailleurs, les
politiciens se rendent au dîner annuel du CRIF avec le même zèle que
ceux des
Etats Unis pour aller au dîner de l’AIPAC -pas pour financer leurs
campagnes électorales
mais pour prouver la bienveillance de leurs sentiments.
La
France possède la plus importante communauté juive d’Europe
occidentale, une
population qui a en grande majorité échappé à la déportation pendant
l’occupation
allemande au cours de laquelle les immigrés juifs avaient été expulsés
vers les
camps de concentration. En plus d’une communauté juive établie depuis
très
longtemps, il y a beaucoup de nouveaux venus originaires d’Afrique du
Nord.
Tout cela contribue à une population aux succès très dynamiques, très
présente
dans les professions les plus visibles et les plus populaires (le
journalisme,
le show business ainsi que la science et la médecine entre autres).
De
tous les partis politiques français, le Parti Socialiste (en
particulier via le
Parti Travailliste de Shimon Peres qui est membre de l’Internationale
Socialiste) est celui qui a les liens historiques les plus étroits avec
Israël.
Dans les années 1950, quand la France combattait le mouvement de
libération
nationale algérien, le gouvernement français (via Peres) avait
contribué au
projet israélien de production d’armes atomiques. Aujourd’hui, ce n’est
pas le
Parti Travailliste qui gouverne Israël mais l’extrême droite. La
récente visite
amicale faite par Hollande à Benjamin Netanyahou a montré que la dérive
droitière
de la vie politique en Israël n’a absolument pas tendu les relations –
qui
semblent plus étroites que jamais.
Il
n’empêche que la communauté juive est très petite en comparaison du
grand
nombre d’immigrés arabes venus d’Afrique du Nord ou des immigrés noirs
originaires des anciennes colonies françaises en Afrique. Il y a
quelques années,
Pascal Boniface, un intellectuel de renom membre du PS, avait
prudemment averti
les dirigeants du parti que leur biais en faveur de la communauté juive
pourrait finir par causer des problèmes électoraux. Cet avertissement
qui
figurait dans un document d’analyse politique avait provoqué un tollé
qui lui
avait presque coûté sa carrière.
Mais
le fait demeure : il n’est guère difficile pour les français
d’origine
arabe ou africaine d’avoir le sentiment que le
« communautarisme »
qui a vraiment de l’influence est le communautarisme juif.
Les
usages politiques de
l’holocauste
Norman
Finkelstein a montré il y a quelques temps que l’holocauste peut être
exploité à
des fins pour le moins dénuées de noblesse : comme extorquer des
fonds à
des banques suisses. La situation en France est cependant très
différente. Il
ne fait guère de doute que les rappels constants de la Shoah
fonctionnent comme
une sorte de protection pour Israël contre l’hostilité que génère le
traitement
infligé aux palestiniens. Mais la religion de l’holocauste a un autre
impact
politique plus profond qui n’a pas de relation directe avec le destin
des
Juifs.
Plus
que toute autre chose, Auschwitz a été interprété en tant que symbole
de ce à
quoi mène le nationalisme. La référence à Auschwitz a servi à donner
mauvaise
conscience à l’Europe, et notamment aux Français si on tient compte du
fait que
leur rôle relativement marginal dans cette affaire [Auschwitz] avait
été une
conséquence de la défaite militaire et de l’occupation du pays par
l’Allemagne
nazie. Bernard-Henri Lévy, l’écrivain dont l’influence s’est accrue
dans des
proportions grotesques ces dernières années (il a poussé la président
Sarkozy à
la guerre contre la Libye), avait commencé sa carrière en soutenant que
le « fascisme »
est l’authentique « idéologie française ». Culpabilité,
culpabilité,
culpabilité. En faisant d’Auschwitz l’événement le plus significatif de
l’histoire
contemporaine, un certain nombre d’écrivains et de personnages publics
justifient par défaut le pouvoir croissant de l’Union Européenne en
tant que
remplacement indispensable des nations européennes intrinsèquement
« mauvaises. »
Plus jamais Auschwitz ! Dissoudre les Etats nations dans une
bureaucratie
technocratique libérée de l’influence émotionnelle de citoyens qui
pourraient
ne pas voter correctement. Vous vous sentez français ? Ou
allemand ?
Vous devirez en éprouver de la culpabilité – à cause d’Auschwitz.
Les
Européens sont de moins en moins enthousiastes devant l’UE car elle
ruine leurs
économies et leur retire tout contrôle démocratique sur elles. Ils
peuvent
voter pour le mariage gay, mais pas pour la moindre mesure keynésienne
et
encore moins socialiste. La culpabilité pour le passé est néanmoins
supposée
maintenir leur fidélité à l’égard du rêve européen. Les fans de
Dieudonné, si
on en juge par les photos, semblent être en majorité des hommes jeunes,
âgés
entre 20 et 30 ans. Ils sont nés deux bonnes générations après la
seconde
guerre mondiale. Ils ont passé leurs vies à entendre parler de la
Shoah. Plus
de 300 écoles parisiennes arborent une plaque commémorant le sort
funeste d’enfants
juifs déportés dans les camps de concentration nazis. Quel peut bien
être l’effet
de tout ça ? Pour beaucoup de ceux qui sont nés longtemps après
ces
terribles événements, il semble que tout le monde est supposé se sentir
coupable – si ce n’est pas pour ce qu’ils n’ont pas fait, alors c’est
pour ce
qu’ils auraient été supposés avoir fait s’ils en avaient eu la
possibilité [s’ils
avaient vécu à l’époque, NdT].
Quand
Dieudonné a transformé Chaud Cacao, une vielle chanson
« tropicale »
un peu raciste, en Shoah Ananas, le refrain a été repris en masse par
les fans
de Dieudonné. J’ose croire qu’ils ne se moquent pas de la véritable
Shoah mais
plutôt de ceux qui leur rappellent tout le temps des événements qui
sont supposés
les faire se sentir coupables, insignifiants et impuissants. Une bonne
partie
de cette génération en a assez d’entendre parler de la période 1939 –
1945
alors que son propre avenir est sombre.
Personne
ne sait quand s’arrêter
Dimanche
dernier, Nicolas Anelka, un footballeur très connu d’origine afro-belge
[la
famille d’Anelka est en fait originaire des Antilles, NdT] qui évolue
en
Angleterre a fait une quenelle après avoir marqué un but – en signe de
solidarité avec son ami Dieudonné M’Bala M’Bala. Suite à ce geste
simple et à
la base insignifiant, le tumulte a atteint de nouveaux sommets.
A
l’Assemblée Nationale française, Meyer Habib représente les
« Français de
l’étranger » – dont 4 000 Israéliens d’origine française [plus de
78 000
inscrits sur les registres électoraux en réalité, NdT]. Lundi dernier,
il a
twitté « La quenelle d’Anelka est intolérable ! Je vais
déposer une
proposition de loi pour punir ce nouveau salut nazi pratiqué par les
antisémites. »
La
France a adopté des lois pour « punir l’antisémitisme ». Le
résultat
est à l’opposé. De telles dispositions tendent simplement à confirmer
la
vieille idée selon laquelle « les juifs dirigent le pays » et
participent à la montée de l’antisémitisme. Quand de jeunes français
voient un
Franco-israélien essayer de transformer en délit un simple geste, quand
la
communauté juive se mobilise pour interdire leur humoriste préféré,
cela ne
peut que faire monter l’antisémitisme et même encore plus rapidement.
Il
reste que dans cette escalade le rapport de forces est très inégal. Un
humoriste n’a pour armes que des mots et des fans qui pourraient bien
se
disperser quand la situation va se corser. De l’autre côté se trouvent
l’idéologie
dominante et le pouvoir de l’Etat.
Dans
ce genre de conflit, la paix civile dépend de la sagesse et de la
capacité de
ceux qui ont le plus de pouvoir à faire montre de retenue. S’ils
n’agissent pas
en ce sens, alors cela pourrait être un jeu sans vainqueurs.
Diana
Johnstone
Counter
Punch (USA),
1er janvier 2014
Traduit de l’anglais par Djazaïri
Traduction
: http://mounadil.wordpress.com/
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