Il y a des
classiques qui ne se démodent pas. Prenons le sapin de Noël. Chaque
année, inlassablement, il trône au centre de cette grande orgie de
consommation qu’est devenu le temps des Fêtes. Mais à ses origines, le
sapin était l’un des symboles témoignant de la richesse offerte par la
nature. On y accrochait fruits et offrandes en guise de décorations. En
cette époque marquée par de grandes préoccupations environnementales,
plusieurs se demandent si l’arbre de Noël n’est pas devenu pernicieux.
Mais surprise ! Le sapin de Noël naturel contribue non seulement à
purifier l’air, à générer de l’oxygène, à protéger le sol contre
l’érosion, mais aussi à produire… de l’électricité !
Tout d’abord, il faut se rappeler que les sapins de Noël ne sont pas
issus des coupes à blanc. Ils sont cultivés sur des terres qui
autrement seraient laissées en friche parce qu’elles ne sont pas
propices à l’agriculture. Par leur présence, ces arbres contribuent à
stabiliser le sol, à en diminuer l’érosion et à filtrer l’eau. Ces
cultures servent également d’habitat pour certains oiseaux, rongeurs et
petits gibiers. Mieux encore, les plantations d’arbres de Noël
contribuent à l'assainissement de l'air, car c’est en absorbant des gaz
carboniques que les arbres produisent de l’oxygène. Et ce sont les
jeunes arbres qui en produisent le plus, puisqu’ils ont besoin d’une
plus grande quantité de dioxyde de carbone pour s'établir. Considérant
le jeune âge de leurs arbres, les plantations d’arbres de Noël
contribuent davantage à la disparition des gaz carboniques et
conséquemment, à l’effet de serre. Selon l’Association des producteurs
d’arbres de Noël du Québec, chaque acre de sapins cultivés éliminerait
annuellement jusqu’à 13 tonnes de polluants dans l’atmosphère. À elles
seules, les plantations québécoises supprimeraient 260 000 tonnes de
polluants !
Le Québec est le premier producteur et exportateur d’arbres de Noël au
pays. Près de 300 producteurs, situés dans le sud-ouest de la province,
entre Sherbrooke, Thetford Mines et le Lac Mégantic, se partagent 20
000 acres et produisent annuellement environ 1,5 million d’arbres dont
70 % sont vendus aux États-Unis. Cette industrie emploie plus d’un
millier de travailleurs et génère 30 millions de dollars par année.
Pour chaque arbre coupé, les producteurs en plantent deux ou trois
autres pour de futures récoltes, car un sapin de Noël met environ 7 à 9
ans pour atteindre sa maturité.
Parmi les arbres cultivés que l’on retrouve sur le marché québécois, il
y a principalement le sapin baumier et le sapin Fraser. Le sapin
baumier pousse de façon naturelle dans l’est du Canada et il peut
atteindre 15 à 20 mètres de hauteur. Le baumier, comme son nom le
suggère, est plus odorant que le Fraser. Cependant, ce dernier,
originaire des Appalaches et de la Caroline du Nord, perd moins ses
aiguilles. On retrouve également sur le marché un sapin hybride (une
fusion entre le baumier et le Fraser) et le sapin sauvageon, mais
attention, ce dernier n’est pas un arbre cultivé, mais un sapin qui
pousse à l’état… sauvage !
Lionel Filion et son fils Éric cultivent les arbres de Noël depuis
bientôt 30 ans. « Chaque année, nous taillons nos arbres afin de leur
donner cette forme conique. De cette façon, les branches poussent plus
rapidement et prennent graduellement l'apparence touffue tant
recherchée par les consommateurs », raconte Éric Filion. À eux seuls,
les Filion vendent annuellement près de 3 000 arbres de Noël, et ce,
uniquement au Marché Jean-Talon. « Un sapin, c’est comme une fleur, il
a besoin d’eau afin de conserver sa fraîcheur », ajoute-t-il. Et le
sapin bio ? Il n’est pas encore au menu du jour. Il semble que les
consommateurs soient moins exigeants envers les produits qui
n’atterrissent pas dans leur assiette. Actuellement, fertilisants,
insecticides et pesticides sont utilisés dans la culture des arbres de
Noël. Toutefois, le ministère du Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs impose une réglementation quant à leur
usage. Pour sa part, André Pettigrew, agronome au ministère de
l’Agriculture, Pêcheries et Alimentation du Québec, estime que les
producteurs de sapins emploient actuellement cinq fois moins de
pesticides qu’il y a dix ans.
Une fois passé le temps des Fêtes, que faire avec tous ces sapins ?
Pour leur part, les producteurs Lionel et Éric Filion écoulent leurs
arbres invendus à des entreprises d’aromathérapie. Mais, les arbres
enguirlandés qui sont mis au recyclage sont transformés en paillis par
la plupart des municipalités. Et les arbres recueillis par la ville de
Montréal sont acheminés vers le Complexe environnemental Saint-Michel
où ils sont réduits en copeaux par le centre de collecte et de tri de
bois urbain. Les copeaux sont ensuite utilisés comme combustible dans
les centrales électriques du Groupe Boralex, le plus important
producteur d’électricité à base de résidus de bois en Amérique du Nord.
L’an dernier, la ville de Montréal a recueilli autour de 23 000 arbres.
La tradition veut que l’on dresse l’arbre la veille de Noël et qu’il
soit démonté douze nuits après, soit à l’Épiphanie, le 6 janvier. La
plupart des municipalités procéderont à la collecte des arbres de Noël
à partir du 9 janvier prochain. À notre tour de témoigner notre
gratitude envers les richesses que nous offre la nature en recyclant
les arbres de Noël au lieu de… les jeter aux ordures.