Les cantiques de Noël
« La
Martinique, comme la Guadeloupe, ont gardé à l'instar des campagnes
françaises, une tradition qui s'est perpétuée au cours des siècles :
celle des cantiques de Noël.
Chants d'amour et d'espoir, célébrant la venue du Christ, ces cantiques
sont entonnés en principe à partir du premier dimanche de l'Avent. On
doit rappeler que dans le calendrier catholique, les trois semaines de
l'Avent sont consacrées à la préparation des cérémonies célébrant la
naissance du Christ.
Aussi, autrefois, dans les cases les plus humbles, comme dans les plus
belles maisons, on se réunissait, dès le coucher du soleil autour d'une
table éclairée par une lampe à pétrole, un " lampion ", une bougie ou
sous la lumière crue des ampoules électriques pour chanter en chœur,
ces cantiques entre parents, amis ou voisins.
Ces cantiques étaient consignés (ils le sont encore) dans un petit
recueil, écorné, jauni, que chacun se devait de posséder et qui se
transmettait parfois de génération en génération. Mélange de profane et
de sacré, ces cantiques, anciennes chansons populaires françaises de
Noël, dont on retrouve les traces dans des recueils du 18ème siècle,
ont gardé intacts les textes, mais ont pris ici des rythmes de biguine,
de mazurka et de valses créoles ; en plus la société antillaise les a
modelés à sa façon par des improvisations créoles, aux mots très
audacieux (à faire pâlir la Sainte Vierge) qui s'interposent entre les
refrains. Comme nous le notions plus haut, c'est en Martinique et en
Guadeloupe que cette tradition est la plus vivace, bien que survivant
sous la forme d'un ou deux cantiques ou de quelques refrains dans les
anciennes colonies françaises comme le Québec, Sainte-Lucie et la
Dominique.
Monique Desroches - ethnomusicologue à l'Université de Montréal - nous
rapportait qu'elle avait pu retrouver des airs de Noël, perdus dans la
nuit des temps, grâce à un recueil de cantiques trouvé en France et
datant du milieu du 18ème, en les faisant chanter par une vieille dame,
lors d'une enquête menée à Fonds Saint-Jacques (Sainte-Marie).
En principe, en Martinique, tout regroupement de personnes dans une
maison, mené lors de veillées mortuaires, est synonyme de convivialité
autour du " boire et du manger ".
Aussi, lors de ces " chanté Noël ", on servait autrefois en dehors du
traditionnel punch, du sirop d'orgeat aux dames, du chocolat à l'eau
épaissi au toloman, pour se réchauffer du " froid piquant " des nuits
de décembre.
Il faut souligner qu'auparavant, bon nombre de petites gens de la
campagne, mangeant à leur faim, vivaient sans aucun superflu et surtout
sans gaspillage. Le lait, que l'on utilise pour la préparation du
chocolat, figurait uniquement dans le chocolat de communion ou était
gardé précieusement pour les enfants ou alors vendus par litre dans les
bourgs.
Le schrub, les diverses liqueurs de cacao, de coco, déjà en
préparation, n'étaient servis qu'à partir du jour de Noël. Ce menu est
bien loin des ripailles qui accompagnent les chanté Noël d'aujourd'hui,
lesquels multiplient à l'infini les menus des réveillons… autres
temps… autres mœurs ! »
Lyne-Rose Beuze - Extrait des
cahiers du Patrimoine N°6 - Décembre 1989 Fort de France
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