Mon père Noël à moi
Les
années passent, les Noël défilent, mes espoirs s'effilent, mes envies
et mes
attentes cousues ensemble d'une main maladroite par
le Destin, fait des points ça et là dans ma vie, comme on
rabiboche un vieux vêtement « konsi rat pasé adan,ÿ» troué par les rats.
Le
Noël de mon enfance se résumait à l'attente. Mon cœur d'enfant toujours
en
attente de ce cadeau qui ne venait pas.
J'admirais
l'enthousiasme et l'impatience de mes camarades lorsqu’elles
attendaient le
père Noël. Mais personne ne s'émouvait de cette petite fille qui
attendait
discrètement, sagement et patiemment, bien moins que le père Noël,
juste le
père. Mon père Noël à moi.
Mon
plus beau Noël fut celui de mes sept ans, lors duquel, le père ou
devrais-je
dire le père Noël fit son apparition, non pas par la cheminée, mais par
notre
grande vieille barrière en tôle, qui
lorsqu’on la tirait, faisait un bruit atroce au contact du « tif »[1], étalé à
terre pour donner au miséreux un semblant de couloir d'entrée.
«
Mimiy! » Ce fut là le seul mot prononcé par ma mère, quand elle vit mon
père
ouvrir la barrière. Ce simple mot était censé résumer toute l'attente
d'une
petite fille.
Il
m'offrit une tête coiffante. Et je me rappelle encore de cette petite
remarque
faite par ma mère à mon oncle « Salopri la telman pich, i pa mem acheté
on
popot antié, i achté inki tet la!!! » [2]
En
deux secondes, comme un « chodo[3] » mon cœur a tourné.
Les
années filent, les noëls défilent mes espoirs s'empilent, mes envies et
mes
attentes balayées d'une main comme on envoie valser un yinyin[4] qui ne cesse
de vous agacer.
D'une
main docile nommée conscience, estompant ça et là mes attentes de ce
jour, où
mon père Noël se rattraperait et m'offrirait le reste de ma poupée, comme une manière de me dire, je ne t'aime
pas à moitié mais tout entière.
Claudia
Jolie-Cœur
[1]
Pierre à chaux.
[2] Le salaud, il est
tellement radin qu’il ne
lui a même pas acheté une poupée entière !
[3]
Chaudeau ou chodo est une
crème à base de lait et d’œufs servit lors
des premières communions et des baptêmes en Guadeloupe, il est
accompagné par
un morceau de pain-doux (gâteau fouetté.)
[4]
Moucheron.
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