Le coup de fouet de NoëlComme une célèbre chanson de
Noël américaine le dit, « Ca commence vraiment à ressembler à Noël ».
Certes, ce n'est pas toujours le cas à Beijing et dans d'autres villes
de Chine, mais c'est un phénomène très récent, au demeurant. A mon
avis, plutôt qu'y voir un renouveau religieux, c'est plutôt une fièvre
consommatrice à fort goût commercial alimentée par le désir d'être
considérés comme modernes, prospères et aussi avancés que les
Occidentaux qui explique cela.
Je me souviens de mon premier Noël chinois, en 2003. Une éternité déjà dans ce pays qui change aussi vite. Un après-midi étouffant d'août, alors que je cherchais à fuir la chaleur et l'humidité régnantes, je me suis réfugié dans la patinoire du centre commercial China World, ce que j'entendis fut, au milieu de toute la musique contemporaine ambiante, et à mon grand étonnement, rien moins que « Vive le vent » (Jingle Bells) ! A cette époque, ce n'était ici rien d'autre qu'une chanson comme les autres sans relation particulière avec une fête ou une date précise sur le calendrier. Mais depuis cette date, Noël est devenu une grosse affaire commerciale, et il a rejoint d'autres fêtes occidentales comme la Saint Valentin le 14 février ou Halloween le 31 octobre, en tant qu'occasion majeures pour vendre et consommer. De par mon expérience personnelle d'incarnation du Père Noël, que j’ai fait récemment il y a quelques jours dans un centre commercial majeur de Beijing, il est clair que même les plus jeunes des Chinois connaissent le Père Noël. Aux Etats-Unis, Noël est depuis longtemps une fête chrétienne destinée à célébrer la naissance du Christ. Cependant, au 20e siècle, Noël s'est transformé en une occasion commerciale atteignant des proportions incroyables. De nombreuses personnes mettent sur le compte de Coca-Cola la transformation de Noël et du Père Noël en opportunités commerciales « réchauffant le coeur ». les mois d'hiver étaient traditionnellement marqués par des ventes de boissons sucrées très basses, et Coca Cola était déterminé à changer cela. Il l'a fait dès le début de 1931 avec des campagnes de publicité annuelles avec en vedette le Père Noël tel que nous le connaissons et l'aimons aujourd'hui. Et leurs ventes ont atteint un niveau que même les rênes du Père Noël ne pourront jamais approcher ! Les Américains fêtent aussi Thanksgiving le quatrième jeudi de novembre. C'est l'une de nos fêtes les plus joyeuses et les plus orientées vers la famille. Thanksgiving marque aussi le début de la plus grosse saison des ventes de l'année. Le lendemain de Thanksgiving, qu'on appelle le Vendredi Noir (à cause de toute l'encre consommée pour la publicité dans les journaux) est d'ailleurs la journée la plus commerçante de toute l'année. Aussi, ce que nous voyons aujourd'hui en Chine est une occasion d'utiliser tous les aspects non religieux et qui réchauffent le coeur pour stimuler les ventes. Je pense que c'est partiellement dû au fait que les Chinois veulent prouver aux autres –et à eux-mêmes- qu'ils sont modernes, qu'ils ont réussi sur le plan économique et qu'ils participent à une activité partagée par les sociétés aisées dans beaucoup d'endroits du monde. Les Chinois ne sont pas les seuls à faire ainsi. Personne n'aime être tenu à l'écart. Les israélites fêtent Hannouca, ou Fête des Lumières. C'était autrefois une fête obscure aux Etats-Unis, et de nombreux israélites ont commencé à la fêter parce qu'elle tombe lors de la saison de Noël, qu'elle aussi est caractérisée par le don de cadeaux et permet aux parents d'attirer l'attention des enfants sur elle, plutôt que sur Noël, qui ne fait pas partie de la religion juive. Je pense que de nombreux Chinois apprécieraient d'ailleurs volontiers que cette fête, car une partie de la célébration comporte des jeux pour les enfants avec paris et récompenses. Pour des raisons similaires, depuis 1966, de nombreux Afro-américains respectent la semaine du Kwanzaa à compter du lendemain de Noël, qui comporte aussi le don de cadeaux et une célébration de la culture Afro-américaine. A l'évidence, en Chine, Noël
n'est pas seulement une grosse affaire commerciale, mais c'est aussi
bon pour l'économie chinoise. Le Gouvernement chinois souhaite stimuler
la consommation intérieure pour protéger l'économie des hauts et des
bas des marchés extérieurs. Dans cette optique, pour peu que les achats
saisonniers de Noël soient faits en Chine, et cet objectif important
est atteint.
Je suis tout à fait favorable à ce que tous les Chinois célèbrent les joies de la période de Noël. Après tout, il n'y a rien de mal à cela ! Je peux d'autant mieux comprendre cette situation que, tout comme beaucoup d'autres israélites que je connais, nous apprécions l'esprit et la camaraderie de cette période festive. Joyeuses fêtes, la Chine ! Harvey Dzodin
est actuellement
Conseiller Emérite à l'Université Tsinghua. Il a été Directeur et
Vice-président d'ABC Television à New York entre 1982 et 2004.
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