La maison primitive
tessinoise
La photographie
d'un village sis dans les Alpes suisse, dans le Tessin, situé sur
l'adret ou sur l'ubac, je pencherais pour l'adret, le versant
ensoleillé, je n'en sais rien mais en regardant la
photographie on eut dit une image d'Épinal tant le lieu semble
figé dans le passé, on s'attendrait presque à voir surgir le père Noël
sur son traîneau et distribuer ses jouets aux enfants sages, vivant
dans cette localité.
Les maisons nous font face en une ligne horizontale, elles s'alignent
ou s'échappent d'une bise glaciale, il n'y a que l'église
paroissiale de saint Jacques et saint Christophe, dont le portique
peint d'une fresque de Borgnis au 18e siècle, hausse son clocher au
faite des cieux, à s'être positionnée de travers comme se voulant
un rempart.
Les toitures sont chargées de neige, ce qui renforce la beauté du
site et derrière cet amas de maisons, combien au juste en
dénombrons-nous, 80, 100, quelle importance, elles sont là et se
suffisent.
On distingue en arrière plan avec netteté et clarté la pente raide où
les mélèzes dénudés grimpent accompagnés de quelques sapins verdoyant
qui n'y n'iront guère plus haut, ayant atteint leur sommet.
Les maisons semblent rangées dans un ordre qui trouverait sa
compréhension que dans sa relation au lieu, par ailleurs on perçoit un
désordre ou une impression qu'elles se tassent les unes contre les
autres, tel un bataillon de légionnaires romains, elles sont si proches
les unes des autres qu'on en déduit qu'il n'y a pas de rue, pas
d'avenue, ni de ruelle, ni même de venelle seulement des passages
permettant à une vache de passer pour se rendre à l'étable.
Les maisons massifiées ont leur base épaisse comme celle d'une
forteresse, à cause de la dissymétrie des moellons utilisés, l'ensemble
donnant une impression de spaciosité (est-ce juste ou est-ce ma propre
vision, une illusion... ), les murs en bois de la partie habitable
s'habillent d'un brun foncé, sans doute une des propriétés du
mélèze : brunir au fil du temps et des ans, lorsqu'il n'est pas traité,
d'où ce contraste entre la couleur nivéale et brunâtre, agissant telle
une opposition entre le jour et la nuit, la dualité réalisée pour créer
l'harmonie.
Les maisons sont chauffées par des étuves revêtues de pierres ollaires,
une pierre composée de magnésite et de talc, souple à travailler, une
pierre douce, mais une fois chauffée devient dure, vraiment très dure,
elle est en osmose avec le feu, capable d'emmagasiner
une quantité incroyable de chaleur, puis de la diffuser en
douceur, doucement, doucettement dans les pièces.
Les maisons attifaient d'une couverture de dalles en pierre et
sous la toiture, des dalles de pierre de gneiss, y sont placées,
accentuant encore la lourdeur, cette technique de construction se
justifiait car empêchant les souris de pénétrer dans les lieux «
le sommet du pignon est ouvert à tous les vents ou clos par une
claire-voie grossière de madriers superposés. »
Les fenêtres sont petites afin d'éviter la déperdition de chaleur, mais
les constructeurs où les maçons laissaient toujours une ouverture, afin
que l'âme des morts puissent s'échapper de la maison pour s'en
retourner à Dieu, la vie et la mort en corollaire, se côtoyant sans
voisiner, marchant l'une à côté de l'autre sans se voir, sans se sentir
et pourtant consubstantiel.
Toute cette massivité donnerait l'impression que les maisons
s'enracinent dans la terre, qu'elles cherchent à s'y en foncer le plus
profondément, afin d’éviter le séisme, d’évacuer l'avalanche, ne pas
être décombres dans la querelle mille fois séculaires opposant la
neige à la pente.
Ces maisons anxieuses dénommées torba ont traversé le siècle, peut-être
les siècles, aujourd'hui leur avenir réside de leur passé, quoi de plus
paradoxal !
Tony Mardaye
Les Torbas
Photos : Francesca Palli (janvier-2009)
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