Dans
l'édition de 2007-08 nous avons traqué
les origines de Noël
à travers les mythes des civilisations disparues, et de sa
symbolique en tant que phénomène religieux. Souvenons-nous, « de
nombreux peuples antiques ou préhistoriques célébraient le passage du
solstice d’hiver, ce moment où la lumière victorieuse triomphe des
ténèbres. »
Pour l’édition 2008-09, nous adoptons une approche sociologique ou
journalistique, tout dépendra de la somme d’informations que nous
disposerons sur l'un des pays donnés. Nous limitons le champ de nos
analyses aux festivités de Noël dans le bassin caribéen, mais
nous ajouterons quelques articles autres.
Nous commençons cette édition par un article sur la Martinique, île
faisant partie des Petites Antilles, dont l'aire géographique la situe
dans les Caraïbes.
Comme la plupart des îles de cette zone, elle fut colonisée par les
Français et les Anglais. Les Espagnols s’en détournèrent, parce
que ne recelant pas d’or ou d’argent, et aussi sans doute à cause de la
résistance des Indiens caraïbes qui les vomissaient.
La Caraïbe fut un lieu de tensions, de guerres et surtout, un lieu où
fut déporté, par millions des africains, se retrouvant pris dans les
rets de l’esclavage.
Les occidentaux (Angleterre, France, Suède, Hollande, Danemark…)
avaient à cœur de mettre en valeur ces poussières d’îles par la
production de cultures commerciales telles que : « la canne à sucre, le
café, l'indigo, le coton, le cacao, le pétun (tabac)... »
C'est dans un contexte de crise économique en Europe au XVIIe
siècle, que se fit la colonisation par les Français et les
Anglais de ces îles délaissées par les Espagnols.
Nous sortions du
mercantilisme métallique
pour adopter une autre forme d’économie, ce n’étaient plus l’or et
l’argent qui faisait la richesse des Etats mais : « le développement
économique par l'enrichissement des nations au moyen du commerce
extérieur qui permet de dégager un excédent de la balance commerciale
grâce à l'investissement dans des activités économiques à rendement
croissant, comme l'avait identifié l'économiste italien Antonio Serra
dès 1613. L'État a un rôle primordial dans le développement de la
richesse nationale, en adoptant des politiques protectionnistes
établissant notamment des barrières tarifaires et encourageant les
exportations.
Politique économique selon laquelle la métropole doit s'enrichir en
matières premières en passant par sa colonie. Le mercantilisme n'est
pas positif pour la colonie car elle ne profite pas du profit fait par
la métropole lorsqu'elle revend les produits finis aux Anglais ou
simplement à sa colonie. » C’est désormais le mercantilisme commercial
qui prime, d’où le besoin pour les deux grandes puissances que furent
la France et l’Angleterre de s ‘étendre en dehors de leurs frontières
naturelles.
Vous devez savoir qu’ « En 1481, une bulle pontificale dite «Aeterna
regis» réserve aux Portugais le droit de s'approprier les terres à
découvrir et l'obligation de les évangéliser. » Mais dès la découverte
des Indes occidentales (les Amériques) le pape promulgue une
bulle « Inter Caetera. » favorisant les Espagnols. Les autres
puissances européennes sont exclues du festin, François 1er, demande au
Pape de lui montrer le testament d’Adam l’excluant du partage du monde.
Des lors, les autres puissances n’auront de cesse de tout mettre en
œuvre pour contrer la prééminence des Espagnols sur le Nouveau Monde.
Les Français et les Anglais puissances montantes conquirent les Petites
Antilles, les Hollandais, Danois et Suédois eurent quelques îles ne
présentant guère d’intérêt.
La « Découverte » fut la première mise en relation du monde
figurant les prémisses de la mondialisation, avec les violences
inhérentes, les conflits de pouvoirs, de domination et d’hégémonie.
La mise en relation du monde créa de facto la première division
internationale du travail. Une partie du monde produisant pour l’autre.
C'est aussi la première fois au cours de l'histoire de l'humanité que
des hommes cultivaient des plantes dont la finalité n'était
l'autoconsommation.
Les cultures auxquelles s'adonnaient les esclaves contraints et forcés,
nécessitaient une simple transformation, sauf peut-être pour le sucre
brut, mais la plus-value ou la valeur ajoutée s'opérait en grande
partie sur le continent européen.
Les marchandises livrées en vrac (ballots, foudres) étaient
transformées dans des manufactures, si l'on parle du coton, le sucre
subissait un raffinage dans l'une des 600 raffineries installées en
France, notamment dans les villes portuaires, il va de même pour le
café, le cacao et l'indigo, un commerce fort lucratif, générant juste
que pour le sucre, la circulation dans le royaume de plus de 100 000
millions de livres or (Voltaire).
Et à contrario, charge pour la métropole de fournir les vivres, les
produits manufacturés aux colonies, les cotonnades, jusqu’aux clous, un
système dénommé « l’exclusif colonial », faisait aux colonies
l'interdiction de commercer avec les autres nations, ce qui bien sur ne
fut pas respectée.
Cette économie monde pré-capitalistique, permit la rencontre (forcée)
entre des communautés humaines, façonna les mentalités des populations
esclavagées, devant se convertir à la religion chrétienne (catholique
ou protestante) pour les uns ou les autres.
Les esclaves résistèrent à cette volonté d'étouffement, à ce déni
d'humanité, aboutissant en terme religieux à un syncrétisme
où se mêla diverses croyances. Les religions des esclaves furent
amalgamées à la religion chrétienne et perdurèrent jusqu'à nous
jours : Vaudou, Santeria, Macouba, entre autres.
La religion fut le bras non armé de la colonisation, mais d'une rare
efficacité, outre d'apporter une légitimation morale à l'instar des
droits de l'homme et de la lutte contre le terrorisme d'aujourd'hui,
elle « tranquillisait » l’esclave, veillait à ce qu’il ne se révolte
pas, lui promettant la récompense de ses efforts par une vie
meilleure, pleine de félicités, une fois mort.
Toutefois, remarquez, la finalité de l'une comme de l'autre
(religion ou droit de l'homme) restait la même, permettre la domination
des occidentaux sur le reste de la planète, car imposant la NORME, vous
intégrant ou vous retranchant de l’humanité.
A l'époque de la colonisation des Antilles, il s'agissait de sauver les
Africains de la damnation éternelle où leurs péchés les conduisaient en
Enfer, quand ce ne fut de la tyrannie de leurs monarques ou d'éviter
qu'ils ne soient sacrifiés à l'un de ces dieux sanguinaires «
qu'adorait » ces peuples.
La traite et l'esclavage les soustrayaient à toutes ces menaces,
puis le baptême leur offrait la possibilité d'accéder à l'humanité.
Ce n'était qu'une possibilité et non une réalité car le statut de
l'esclave fut celui d'un bien meuble au début de l'esclavage pour
aboutir à la fin de l'esclavage, à celui d'un immeuble par destination.
Les esclaves des champs dont la durée de vie ne dépassait pas cinq ans.
Le cheptel humain ne se renouvelait pas, car les Négresses mettaient
tout en œuvre, pour se stériliser ou avorter.
La conséquence fut que l'ignoble trafic continua pendant trois
siècles, malgré que sous le second empire, des incitations
financières furent offertes aux femmes esclaves procréant.
Les prêtres, missionnaires et autres individus de même acabit
poursuivaient l’œuvre de conversion et enseignaient, à ces Nègres les
rudiments du catholicisme, dont le point d'orgue, étant la
naissance du Christ sauveur, adorés ou honorés par les colons, il
ne pouvait en être différemment pour les esclaves.
Cette fête étant universelle, il ne fut guère difficile d'obtenir
l'adhésion des esclaves, qui à pareille époque célébraient leurs dieux
de la fertilité, dans leur civilisation originelle.
Pour l'humanité cette période de Noël, constitue une fête
calendaire, rythmant la vie des hommes et leur organisation sociale.
Rien de surprenant que les fêtes de Noël, et celles du carnaval, soient
les fêtes communes à tout les pays du bassin caribéen, les plus
suivies, car entrant dans leurs pratiques et dans leur sociologie.
Donc, la nativité (les fêtes de Noël), sont célébrées avec ferveur, partout avec leurs particularismes.
En Martinique, Noël était une fête conviviale, une fête de « quartier »
chacun donnant un coup de main à l'autre, notamment pour tuer le cochon
et faire le boudin.
A l'époque antique (Rome) ce n'était pas le porc qui était
sacrifié mais le taureau, pour des raisons de commodité et de
coûts, c'est le porc aux Antilles et la dinde originaire du continent
américain qui sont consommés.
Noël était un moment où les uns prenaient en compte les autres.
Le rhum, le schrub, les punchs, coulaient à flot, c'était aussi un
moment de réconciliation, on pardonnait les offenses (dans une certaine
limite) qui vous avait été faites, disons que les querelles de
voisinage s’estompaient, on partageait le cochon avec les voisins, de
leur côté il en faisait autant, bien sur on réservait la plus grande
part aux frères, sœurs cousins, amis et alliés.
Le terme allié, correspond à la famille que l'on s'est choisie, la
relation entretenue n'est pas un simple rapport d’amitié, il va au-delà.
Il faut se souvenir que pour survivre pendant l'esclavage il fallait
compter sur les uns et sur les autres, car les maîtres faisaient fi de
leurs obligations de fournir chaque semaine, la quantité légale de
nourriture à leurs esclaves.
Obligation qu'ils oubliaient assez régulièrement de faire ou leur donnant des marchandises avariées, achetées à bas prix.
Les esclaves afin de survivre, devait se constituer un réseau d'échange et d'amitiés, ceci a perduré jusqu'à nos jours.
Pour revenir à Noël, tous les préparatifs se faisaient dans la bonne
humeur, puis le soir il y avait ces « chanté-nwel », on chantait des
cantiques célébrant la venue au monde de Jésus, mais à travers ces
chants, se nouait ou se tissait des relations, qui soudaient les
participants et renforçaient le sentiment d'appartenance à une même
communauté humaine.
Vers les années 90, les traditions de Noël marquèrent un vif recul,
sous les coups de boutoir de la mondialisation néolibérale et de
l'individualisme.
Il a fallu tout repenser pour sauvegarder nos traditions.
De nos jours Noël à perdu beaucoup de son sens, il est interdit de tuer
le cochon, il faut passer par l'abattoir. Le fameux cochon-planche
élevé derrière la maison à pratiquement disparu, les gens
continuent d'honorer le soir de Noël le repas traditionnel,
toutefois lors de ces fêtes, la viande de cochon reste prisée,
elle est consommée par toute la population sauf pour celle dont la
religion l'interdit.
Etant un pays ouvert à tout vent, il ne serait pas improbable que les
Martiniquais adoptent d'autres comportements, que la dinde remplace le
cochon, on trouve déjà le saumon sur toutes les tables, mais ceci est
une autre histoire mettons l'accent sur ce qui nous lie, c'est à dire
ces « chanté-nwel » qui provoquent la rencontre.