Te Deum de Mgr Y. Marie Péan à l’occasion du 208e anniversaire de l’indépendance d'Haïti
Ce 1 janvier 2012, 208e anniversaire de l’indépendance d’Haïti,
Monseigneur Yves-Marie Péan a prononcé son Te Deum à la Cathédrale Saint
Charles Borromée Gonaïves, dont nous reproduisons les extraits importants.
«...aujourd'hui
est un jour mémorable et éminemment évocateur pour le peuple haïtien c'est
le 1er janvier 2012, c'est un grand jour pour nous tous [...] alors que nous
commémorons le 208e anniversaire de notre indépendance, c'est le moment
favorable à saisir, pour vous formuler à tous et à chacun et plus spécialement
au Président de la République, à la Première Dame, au Premier Ministre mes
voeux de Paix, de sérénité, de courage, de persévérance dans l'effort, d'amour,
de santé et de Paix [...]
...elles sont nombreuses les familles du pays a profiter de ce grand jour de
l'An pour en faire un jour de prière, de méditation, de fraternisation [...]
nous prions particulièrement en ce jour pour les blessés de la vie, pour les
chômeurs, les handicapés, les malades, les diverses victimes du tremblement de terre
du 12 janvier 2010, les victimes des cyclones et inondations à répétitions
surtout aux Gonaïves, pour les personnes qui vivent encore sous les tentes ou
sous les bâches, les jeunes inquiets de leur avenir, les pauvres de toutes
sortes. Nous implorons le secours et la bénédiction de Dieu sur le Président de
la République et sur la Première Dame ainsi que sur le Premier Ministre, sur
nos dirigeants, sur nos différentes institutions et sur la Nation toute
entière.
1er janvier 2012, et un jour de fraternisation et de grande convivialité dans
les diverses familles [...] ils sont nombreux les haïtiens et les haïtiennes à
faire le déplacement de l'étranger à Haïti ou à travers le pays, sillonnant
monts et vallées, plaines et rivières à pied, à cheval, à dos d'âne ou en
véhicule dans le but de venir prendre un bain familiale [...] ils viennent
boire la soupe au giraumon, portant en eux, ce désir de solidarité, de
communion, bref cet esprit familial [...]
Ce 1er janvier 2012 est également un jour d'évaluation et de réflexion en
profondeur pour nous haïtiens, haïtiennes, gouvernants et gouvernés [...] il
nous incombe d'évaluer et de réfléchir en profondeur sur la porté et la
finalité de 1804. En 1791 un demi-million d'esclaves noirs, injustement arraché
de leur terre, l'Afrique, se révolta, s'unirent, galvanisés par la devise «
l'Union fait la Force » pour se débattre au milieu de trois grandes puissances
européennes, combattre militairement et politiquement l'armée française et
déboucher sur ce que nous appelons « l'Épopée de 1804 ». Aussi Haïti est-elle
devenue une Nation et a pu créer son propre État indépendant, et depuis lors,
ce que l'on croyait impensable, s'inscrit désormais dans notre réalité.
Toutefois aujourd'hui encore, une question de fond se pose, qu'en avons nous
fait ? [...]
...aujourd'hui beaucoup trop d'Haïtiens sont tourmentés par la faim et la
pauvreté, trop de pères de famille sont au chômage, trop de mères sont sans
ressources, trop d'enfants innocents sont malades et mal nourrit, trop de jeunes
sont sans avenir et n'ont d'espoir que dans la fuite humiliante vers
l'étranger. Beaucoup trop nombreux encore, sont ceux de nos compatriotes, qui
n'ont pas accès à l'eau potable, à un logement décent, à l'éducation et dont
les conditions d'existence sont incompatibles avec la parole des écritures que
l'homme [...] est la preuve la plus éclatante de la présence de Dieu parmi
nous. [...] Un peuple qui travaille, investissant au jour le jour ses
potentialités et ses compétences ne peut-il pas espérer un avenir meilleur
qu'il est en train de bâtir ?
[...] s'il se déprend des facultés que Dieu lui donne et va à la remorque d'un
autre, qui pense pour lui, décide pour lui, planifie pour lui, il deviendra
l'artisan de son propre malheur. S’il ne contrôle pas son patrimoine sociale et
historique, son patrimoine culturel et religieux, ses ressources naturelles,
s'il abdique son autonomie sous le dictamen d'un autre, il concourra, vous en
conviendrez, à sa propre perte [...]
[...] rare sont ceux en effet qui à la manière de Dieu, donne en toute
gratuité. Nous vous exhortons donc à ne pas continuellement tout attendre en
cadeau des autres : des routes et des ponts en cadeaux, des écoles et des
hôpitaux en cadeaux, des bâtiments administratifs et religieux en cadeaux, des
logements et des aliments en cadeaux, des forces de sécurité en cadeaux. Il n'y
a aucune honte à accepter d'être accompagné et aidé. Nous l'avons été, tout
comme bien d'autres peuples. Cependant, nous devons assumer notre
responsabilité en prenant en charge, de manière résolue, notre présent avec
notre avenir par de sages options et d'intelligentes planifications en vue de
notre autonomie.
[...] Pour parvenir à cette prise en charge nationale, nous avons besoin d'un
climat de dialogue dans la vérité, de dépassement, de réconciliation, de
tolérance, de cohésion sociale, de coopération digne et respectueuse. Tout cela
contribuera à la stabilité sociale et politique de notre pays [...] Nous avons
à prendre conscience que chacun de nous à sa part de responsabilité dans la
situation qui est la nôtre aujourd'hui, heureusement [...] on commence à
prendre conscience de plus en plus que le problème haïtien, en plus d'être ce
qu'il est, est un problème d'Homme. En effet l'Homme haïtien doit renaitre,
l'Homme haïtien doit se renouveler, se remettre comme dans un moule pour
devenir un Homme nouveau animé par l'amour, par la justice, par l'harmonie, par
l'honnêteté, par la Paix, la conscience de soi, à la fois individuelle et
collective, et amener à se rendre compte de la nécessité de rompre avec un
passé de brigandage, d'irrespect, de mépris des règles, du désordre généralisé,
d'égoïsme et de vanité...
[...] nous sommes pour le moins condamné à la rupture [...] nous sommes
condamnés à l'innovation nous ne pouvons plus continuer à répéter les erreurs
du passé, un changement en profondeur de notre mentalité et de notre façon de
faire s'imposent, c'est un devoir ou mieux, un défi à relever. Mais ce défi
doit être fait par tous, car la refondation ou la reconstruction de notre pays,
c'est l'affaire de tous, c'est l'affaire de tous les haïtiens et de toutes les
haïtiennes [...] tous les fils et filles de la Nation sont invités à se mettre
ensemble pour entrer dans une dynamique de dialogue, d'ouverture, de patience
et de tolérance devant conduire à un consensus sincère, loyal et inspirant
confiance [...] chacun doit consentir à faire des sacrifices pour le bien de la
Nation, pour les intérêts majeurs du pays. C'est donc un défi que tous
haïtiens, haïtiennes quelque soit nos crédos nous avons à relever, ce défi
n'est pas au delà de nos moyens, toutefois, c'est ensemble que nous avons
à le relever [...] »
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