A quelques jours de Noël,
les Kinois sont moroses car les prix qui ont grimpé en flèche limitent
les achats en cette période de fête. Pour atténuer ces difficultés, le
Gouverneur de la ville a convaincu les commerçants d'organiser un
marché spécial à moindre coût. Mais pour beaucoup, seule la bière sera
au menu du Réveillon...
Noël approche à pas de géant à Kinshasa. Où, comme à l’accoutumée, les
populations à 90 % chrétiens s’apprêtent à accueillir le Fils de Dieu.
Pour donner le ton, le gouvernorat a, mi-décembre, installé des
guirlandes sur le boulevard du 30 juin, vitrine de la capitale
congolaise. La nuit, c’est un décor de rêve ! Mais durant le jour, la
réalité quotidienne prend le dessus. Confrontés à une crise vivement
sentie, de nombreux Kinois s’attendent à passer Noël comme un jour
ordinaire. "Ces derniers temps, manger, se déplacer et se faire soigner
est un vrai calvaire", commente un Kinois.
Depuis début décembre, les prix à Kinshasa ne cessent de prendre
l’escalier. Le transport a augmenté dans bien des trajets de 50%. La
course Kingasani-Gare centrale est passée de 200 à 300 FC. Les prix des
denrées de première nécessité, eux, connaissent une hausse qui oscille
entre 15 et 25%, les vêtements enregistrent une hausse de 15 à 20% en
fonction des milieux. Les prix du riz, de la farine de manioc, du
haricot…ont grimpé. Le poulet congelé est passé de 1200 Fc à 1600 Fc,
le croupion de dinde de 1000 à 1300 Fc, le kilo de viande de bœuf de
3000 Fc à 4500 Fc. Pour Mukendi Kabongo, économiste, les prix à
Kinshasa sont tributaires du tarif des carburants. "Chaque fois que le
prix de l’essence augmente à la pompe, s’ensuivent des hausses sans
discernement. Car, il n'y a pas de mécanismes de régulation des prix,
soutient-il. Ces hausses donc, ont pour conséquence le dépérissement du
pouvoir d’achat des populations". Pour ce cadre à la Division urbaine
de l’Economie, "L’inflation est cyclique à Kinshasa. Mais la raison qui
fait que les dernières hausses en date ont été vivement ressenties,
c’est parce qu’elles sont intervenues à la vieille des fêtes".
Un marché parallèle pour les fêtes
Au cours d’un point de presse tenu en début de semaine, André Kimbuta,
gouverneur de la ville de Kinshasa, a reconnu : "Nous sommes conscient
de l’aggravation de la pauvreté du fait de ces hausses de prix, mais
pour le moment nous ne pouvons pas les contrer définitivement". Ainsi,
pour parer au plus pressé, il a annoncé in extremis, l’ouverture d'une
foire de commerce du 22 décembre au 5 janvier 2008. Objectif : casser
le prix afin de permettre à toutes les bourses de passer d'agréables
fêtes.
"C’est vrai que cette fin d’année est particulièrement difficile pour
les Kinois, admet le Gouverneur. Mais, comme nous n’avions pas de
parade immédiate, j’ai initié ce marché spécial pour atténuer les
difficultés des Kinois à préparer la Saint Sylvestre".
L'hôtel de ville a trouvé un compromis avec les opérateurs économiques
pour faire des rabais : "Je les ai réunis dans mon bureau et les ai
convaincus de casser les prix des produits alimentaires notamment.
Dans le cadre de cet arrangement, les prix des produits qui seront
vendus pendant cette foire baisseront jusqu’à 20%. Ainsi, "le sac de
riz de 50 kilos qui coûte 40 dollars sera vendu à 30 dollars, le carton
de chinchards de 30 kilos va être diminué de 35 à 30 dollars…", précise
Sam Amisi Idi, administrateur de la FEC (Fédération des entreprises du
Congo, Ndrl). "Les personnes qui ne peuvent pas s'acheter un sac de riz
pourront s'associer…Mais nous ne vendrons pas aux commerçants", a fait
savoir un opérateur économique pakistanais.
Les chômeurs résignés… mais la bière coulera à flot
Mais cette foire n'est pas la panacée pour tous, elle ne change pas
grand-chose pour nombre de Kinois au chômage (60% selon des estimations
les plus optimistes). "Je ne vois pas ce que change l’initiative du
gouverneur pour moi. Je n’ai pas d’argent pour acheter les produits qui
seront vendus à la foire. Pour moi et ma famille, Noël sera un jour
comme un autre", avance Willy, licencié il y a 5 ans de la Marsavco et
toujours sans emploi. Avant d'ajouter, en fervent croyant : "le plus,
ce sera seulement la messe de minuit". Un sentiment de résignation
partagé par Alphonse Mpasi, chômeur lui aussi. "Pour toute activité, je
décharge des camions de ciments une fois par semaine dans un dépôt, les
dépenses de Noël, je n’ose y songer", lâche t-il.
Si les Kinois ont du mal à nourrir leur famille, ils trouvent la
plupart du temps les moyens de boire sans penser aux lendemains… Ainsi,
malgré des fêtes qui s’annoncent difficiles, ils sont nombreux à
envisager un réveillon moussant. "En tout cas pour la soirée de Noël,
je mettrais de côté de quoi me taper une bonne cuite", prévient Flory,
petit commerçant au marché Mobutu de Kingasani. Comme Flory, beaucoup
se passeront de la ripaille. "Pour moi, la bouffe c’est pour les
enfants. Mais, la bière et l’ambiance d'un dancing très animé, c’est ça
Noël", s’extasie un amateur.
Pour les propriétaires des bars et terrasses qui pullulent dans la
capitale congolaise, cet engouement pour l’ambiance est une véritable
aubaine. "Nous allons tripler nos commandes de bière. Car, les gens
vont se saouler plus que d’habitude", annonce Anna Makanisi, tenancière
d’une terrasse.