Il y a bien
longtemps les festivités de Noël se centraient au niveau de la
famille, une fête conviviale entre parents, amis et voisins.
Lors de cette période, le quartier était toiletté, les rues nettoyées,
les arbres coupés. Tout un chacun rangeait leur cour, tondait le gazon,
frottaient le plancher, les plus aisés peignaient leur maison tant
l’intérieur que l’extérieur, les Jamaïcains astiquaient ou bichonnaient
leur demeure.
L’autre incontournable de cette période, était le trempage des fruits
dans le rhum afin de faire le gâteau de Noël jamaïcain (Black Cake
Christmas), un moment de simplicité et de convivialité…
Il y avait aussi ce phénomène emballant, que l’on nomme jankanoo,
on lui suppute une origine africaine. Une manifestation qui consiste en
un rassemblement de personnes, en général des hommes vêtus de costumes
aux couleurs voyantes et lumineuses portant un masque effrayant
sur la tête, ils sont censés faire peur aux gens.
Les bandes de jankanoo chantaient ou dansaient sur le son des
tambourins, des percussions des musiciens, les adultes et les enfants
suivaient la bande et dansaient pendant qu’ils paradaient dans
les quartiers. Cette manifestation presque mystique était attendue avec
grande impatience, car il y avait comme une grande communion de danse,
de chant, d’humeur qui se produisait à ce moment entre tous les
participants.
Les enfants s’attardaient, désirant être de la fête, chacun
allant au lit, la veille de Noël le plus tard possible.
Le matin de Noël les familles étaient réveillées à l’aube au son des
tambours, les bandes de jankanoo jouaient, c’était le branle-bas de
combat, se jeter hors du lit, saisir le premier vêtement à portée de
main, se précipiter dans la salle de bain pour se laver le visage et
les dents, puis attendre que le groupe de jankanoo s’approche de la
maison.
On était littéralement aspiré par lui, bien que nous soyons
terrifiés, nous fixions les masques dans les yeux comme pour vouloir
exorciser la peur, et nous étions heureux de regarder les danseurs,
ceux sur les échasses s’ébattre dans leurs costumes colorés.
La scène vous prenait aux tripes et nous suivions le groupe, en
essayant de rester ensemble dans cette foule qui se déplaçait de rue en
rue afin d’aller réveiller la populace et les faire sortir de leur
maison.
Après avoir suivi pendant un certain temps le cortège, nous retournons
à la maison et quand le soleil se levait nous remarquions que dans
notre hâte, nous avions mis les chaussures à l’envers, les robes ou
blouses à l’envers aussi, c’était hilarant et on riait les
uns et les autres.
Une fois que nous étions rentrés, le petit-déjeuner du matin de
Noël semblait être un rare délice : « ackee avec des quenelles de
poisson salé et frit, thé, chocolat chaud épicé de noix de
muscade, vanillé et sucré avec du lait concentré.
En milieu de matinée, nous nous servions du sirop de
groseille-pays (rossel), buvions des sodas et mangions le gâteau aux
épices de Noël en savourant chaque bouchée.
Aujourd’hui Noël a changé, plus sophistiqué et marchand, l’axe s’est
déplacé de la famille vers les magasins, on court les magasins en
s’endettant pour l’achat de cadeaux coûteux.
J’aime me souvenir des Noëls de mon enfance, je me languis de ces
jours passés, mais je sais aussi, qu'il est temps d'envisager l'avenir
et créer de nouveaux souvenirs pour ma famille…
Bonnes fêtes de Noël à tous et à toute !