Il est 21 h30, je quitte
le restaurant, trente minutes plus tard j’arrive à destination. Une
odeur de charbon de bois, pas les effluves du bon bois, mais des
effluences désagréables qui vous piquent le nez et vous asphyxient.
Je sors du RER et je vois que la foule est encore nombreuse, il faut
patienter, les enfants devant les vitrines gênent la prise de vue. En
attendant d’avoir une trouée je remonte le boulevard en faisant
une lecture des lieux et des populations.
Tous les quatre mètres vous avez un ou deux jeunes Indiens ou
Pakistanais qui vendent des marrons chauds et dont le four à charbon
dégage des émanations nocives et gênantes, je m’aperçois qu’ils sont
désormais concurrencés par des Gitans qui eux aussi ont décidé de
vendre des marrons chauds, mais les uns comme les autres peinent à
héler le passant dans la langue de Molière, reconnaissons qu’ils font
l’effort de faire.
A nos vendeurs de marrons chauds s’ajoutent d’autres qui vendent des
gadgets, ils se sont installés à côté des vitrines. Leurs
marchandises au goût de Noël clignotent font qu’ils s’intègrent presque
aux décors.
Près d’un kiosque à journaux, un Français le souchien, franchouillard,
plein de bonhomie et ventru à souhait propose des crêpes chaudes,
à la confiture de marron, au chocolat ou nature, sa crêpe épaisse comme
une feuille de papier est vendue à 3 euros, il ne fait pas mentir la
réputation des Français, voulant qu’ils soient un peu voleur.
Mon regard s’arrête sur une femme, une blonde dans la trentaine assise
à même le sol, entre deux vitrines et tenant dans la main
un écriteau disant qu’elle a faim. Elle n’a rien d’une étrangère, une
blonde bien de ce pays et j’en vois une autre et encore une autre, je
m’interroge et me dis que je vois de plus en plus de femmes jeunes ou
moins jeunes à la rue dormant dans le métro, et j’ai le sentiment que
ce pays devient effrayant.
La foule continue à déambuler, sur la partie du trottoir la plus proche
de la rue, il y a un homme ayant trois chiens en sa compagnie qui
mendie. Il a choisi un caniche et deux corgis, je me dis qu’il met tout
de son côté pour soutirer la pièce aux passants, mais plus loin un
autre homme fait de même.
Je remonte l’avenue, et devant une vitrine cinq Chinois ou personnes
leur ressemblant ont carrément posé leur établi et se proposent
de vous tirer le portrait au fusain. Plus loin, toujours groupés, un
autre groupe d’asiatiques se propose d’écrire votre prénom
à l’encre de chine, et d’autres de le calligraphier et 100 m plus loin,
c’est un couple de joyeux chinois, lumineux qui vendent des
illuminations.
En retrait, c’est une femme qui tortille des ballons, les
transforme sous les yeux des passants et des enfants, puis c’est le
traditionnel mime qui fait son show, les gens apprécient, ils
applaudissent.
La présence surabondante des vendeurs de marrons, des asiatiques,
de tous ces gens qui tendant la main, qui aspirent à la
pitié, ils salissent les lieux par leur présence outrancière, se
mettant devant les vitrines, je me dis qu’ils n’ont pas leur place sur
ce boulevard, les parents ne viennent pas pour voir la misère du monde
s’afficher devant leurs yeux, mais juste pour offrir à leurs enfants un
peu de rêve.
Il n’y a pas un policier, pas de cars de CRS pour faire circuler tous
ces inopportuns, sans-gènes et trouble-fête stationnant devant
les vitrines et qui tuent l’esprit de Noël.
Dès arrivé au bout de l’avenue, je m’attarde sur la population, en
plein débat sur l’identité nationale, je vous avoue ne jamais avoir vu
autant de couples mixtes sur ce boulevard, je n’avais jamais vu autant
d’hommes européens avec leur compagne ou épouse noire et leurs
enfants, à croire qu’ils s’étaient donnés rendez-vous pour protester.
Sinon, j’ai pu voir les gens souriant, se montrant avenant.
Les enfants s’émerveillant de ces petites marionnettes animées, avec
dans les yeux une étincelle de candeur.