Joyeuses fêtes de Noël et de Jour de l'An |
Le Noël noir de KwanzaaAprès Hanoukka et Noël, vient Kwanzaa, la dernière des fêtes de
fin d'année aux Etats-Unis. Elle commence le 26 décembre et prend fin le 1er janvier. Le symbole principal de
Kwanzaa est un chandelier à sept branches. Le premier soir, les familles
allument la bougie noire. Le lendemain, la rouge, puis la verte, et ainsi de
suite pendant sept jours. Noir, vert, rouge : les couleurs du nationalisme
panafricain. Kwanzaa ("premiers fruits") a beau ressembler à un Noël noir, c'est une célébration culturelle et non religieuse. Elle a été inventée en 1966 à Los Angeles, un an après les émeutes raciales de Watts, par un militant du black power, Maulana Karenga. Au début, beaucoup ont cru que c'était une fête africaine traditionnelle. Mais malgré son nom swahili (la langue d'élection des radicaux blacks), ils se sont rendus à l'évidence. Kwanzaa est largement inconnue dans l'hémisphère Sud. En 44 ans, la fête ne s'en est pas moins créé des adeptes dans toute la diaspora africaine et aux Caraïbes. La "maison mère" si l'on peut dire, installée à Los Angeles, assure que Kwanzaa possède de 30 à 40 millions de fidèles dans le monde entier. Dont quelque 2 millions de Noirs américains.
Dans les
années 1970, Maulana Karenga et ses camarades étaient en révolte contre
l'omniprésence de la culture blanche, eurocentrée jusque dans sa célébration de
Noël. Ils voulaient renouer le fil perdu avec le continent africain. Comme le
rappelle le professeur Keith Mayes dans un livre de 2009 sur la création
de Kwanzaa, c'était l'époque où les Noirs tentaient d'imposer un calendrier
alternatif : une "fête de l'unité" le dimanche suivant Thanksgiving,
une Saint-Valentin noire (Black Love Day, le 13 février).
Un jour de "l'holocauste africain", le dimanche précédent la fête de Christophe Colomb (Colombus Day), en octobre. Seule Kwanzaa a survécu. La fête n'est jamais devenue universelle, et dans la classe moyenne noire, beaucoup trouvent incongru de revêtir un boubou coloré pour célébrer la première récolte (en plein hiver ?). Les jeunes ne voient pas le rapport entre leur mode de vie et une sagesse africaine dont ils ne trouvent pas de traces dans l'actualité.
Mais Kwanzaa a été adoptée sans réticence par le gouvernement, les
médias, les écoles, les églises et les musées, dans un grand élan de
multiculturalisme qui a"canonisé" la révolte originelle, selon
l'expression du professeur Michael Eric Dyson.
Depuis 1997, Kwanzaa a son timbre commémoratif. Chaque institution se doit de
programmer un événement ("Kwanzaa 2010, l'histoire continue", affiche
cette semaine l'auguste Musée d'histoire naturelle de New York, qui propose
aussi un menu de patates douces à la cafétéria).
Hallmark
fait des cartes spéciales Kwanzaa, et le lendemain de Noël, dans les quartiers
noirs de Denver ou de Dallas, on allume des kinara ("chandeliers") géants
pendant que les enfants dansent au son des percussions. Le 1er janvier est le jour des cadeaux.
Mais pour échapper au mercantilisme de Noël, et à "l'aliénation" du
shopping, ceux-ci sont censés être faits maison, à l'exception des livres, le
seul présent que l'on peut acheter. Comme avant lui, Bill Clinton et George Bush, Barack Obama a adressé ses voeux le 26 décembre à "tous ceux qui célèbrent Kwanzaa ", en prenant soin de citer les 7 principes qui définissent la célébration : l'unité (Umoja) ; l'autodétermination (Kujichagulia) - chacun est maître de son destin ; le travail collectif et la responsabilité (Ujima) - mettre les ressources en commun ; la coopération économique (Ujamaa) - faire profiter la collectivité tout entière ; le but (Nia) - chacun doit découvrir quelle est sa mission dans la vie, si possible utile à la collectivité ; la créativité (Kuumba) et la foi (Imani), foi en soi, en la famille et la justesse de la cause...
Kwanzaa
n'est que l'un des rendez-vous que les Noirs ont réussi à conquérir dans le
calendrier américain. En janvier (le troisième lundi) vient la célébration de
l'anniversaire de Martin Luther King. La journée est fériée pour les
fonctionnaires fédéraux, ce qui a nécessité une persévérance de plus de vingt
ans. Février est le Mois de l'histoire noire (Black History Month).
Sous la pression des militants, qui estimaient la contribution noire
insuffisamment représentée dans les cérémonies du Bicentenaire des Etats-Unis
en 1976, Jimmy Carter a accepté d'allonger ce qui n'était
depuis 1926 qu'une simple semaine (Negro History Week). Dernière date symbolique : Juneteenth, le 19 juin. Elle rappelle la proclamation d'émancipation de 1865 au Texas, lorsque le général Gordon Granger dut venir faire respecter l'ordre d'abolition signé par Lincoln trois ans plus tôt, mais dont les Texans se contrefichaient.
Célébrée dès
la fin de l'esclavage comme la fête de l'indépendance des Noirs, Juneteenth
était tombée dans l'oubli avant d'être ravivée à la fin des années 1960, puis
de nouveau sous Bill Clinton. Elle fait aujourd'hui l'objet de célébrations
officielles dans trente-six Etats. Les associations espèrent obtenir sa
reconnaissance fédérale à la faveur du 150e anniversaire du début de la guerre
civile, en avril 2011. Le "4 Juillet noir" entrerait alors
officiellement au calendrier américain.
Corine
Lesnes
|
Sommaire Noël 2010 |