Joyeuses fêtes de Noël et de Jour de l'An |
Les cadeaux de Noël restent un rituel fortPar-delà les modes et en dépit des crises, les cadeaux qu’on s’offre à Noël conservent une valeur symbolique importante. Avec une place centrale donnée à l’enfant.Fête religieuse pour les
croyants, Noël est aussi un moment intense de vie sociale et familiale,
qui en dit long sur la famille, le rapport à l’enfant et à la
consommation. En particulier à travers les cadeaux qui s’y échangent,
et revêtent ce jour-là une importance particulière.
D’abord par le budget qu’on y consacre. Les économistes parlent d’une « grande purge annuelle financière », d’un moment où on ouvre une soupape, oubliant provisoirement de compter pour marquer le coup et se faire plaisir. Certes, le cabinet Deloitte, qui ausculte avant les fêtes les intentions d’achat des familles, prévoit que les Français, particulièrement pessimistes face à l’avenir, feront preuve cette année d’une certaine retenue : s’ils préserveront le budget consacré au repas, ils réduiront un peu celui des cadeaux, accordant leur priorité au cercle restreint de la famille, préféreront l’utile au futile, bouderont les produits technologiques jugés trop chers, compareront les prix via Internet, se regrouperont éventuellement pour faire des cadeaux collectifs… "Les cadeaux pour les enfants sont en quelque sorte sanctuarisés"Les adolescents et les adultes
recevront en priorité de l’argent ou des chèques cadeaux, dont le
succès explose cette année. Mais, même dans ce contexte de morosité
économique, les enfants seront une nouvelle fois épargnés. « Les
cadeaux pour les enfants sont en quelque sorte sanctuarisés», résume
Stéphane Rimbeuf, en charge du secteur de la distribution et de la
consommation au cabinet Deloitte.
« Depuis les années 1950, on assiste à une explosion des cadeaux de Noël faits aux enfants », confirme Martyne Perrot, sociologue au CNRS (1). Même en période de crise, l’effort consenti pour eux est toujours important. Et les parents sont prêts à faire, le 24 décembre, 40 kilomètres pour trouver « le » jouet qui leur fera plaisir.
Au-delà de sa récupération commerciale, la valeur symbolique des cadeaux faits aux enfants ce jour-là reste en effet particulièrement forte. « Dans le folklore traditionnel des fêtes de fin d’année, qui n’est pas seulement issu de la tradition chrétienne, les enfants ont un rôle de “passeurs” d’une année à l’autre – ce sont eux qui vont nous survivre. Aujourd’hui, on ignore ce folklore, mais, dans l’inconscient collectif, on gâte toujours extrêmement les enfants. Les cadeaux qu’on leur offre à Noël sont comme des offrandes faites aux siens pour célébrer la famille et resserrer les liens : on réunit ce jour-là toutes les générations autour de l’enfant et on réaffirme les liens générationnels, à travers les cadeaux qu’on s’échange. » Les mères sont les plus gâtées, les grands-parents ceux qui reçoivent le moinsCertes, précise-t-elle, les
familles les plus pratiquantes, qui donnent un sens religieux plus
important à Noël, restent dans ce domaine plus sobres que les autres.
Mais peu y échappent. « Tout le monde critique le consumérisme, la
consommation, mais tout le monde dépense. Même les familles les plus
défavorisées sont prêtes à faire des sacrifices pour gâter leurs
enfants ce jour-là, comme pour symboliquement leur assurer un avenir
meilleur. »
Les adultes, en revanche, sont traditionnellement moins gâtés. Et les échanges de cadeaux dans les familles restent extrêmement codifiés. « Il y a une hiérarchie sentimentale du cadeau, explique Martyne Perrot, même si on n’en a pas toujours conscience. Plus on est proche, plus on gâte, pas simplement en valeur financière, mais en rareté ou en effort pour trouver le cadeau. » Ainsi, on ne va pas faire à son neveu un plus beau cadeau qu’à son enfant ; et on privilégie son mari plutôt que son beau-frère. Le cadeau trace ainsi les contours de la famille à travers les générations, chacun se situant toujours par rapport à l’enfant : père, mère, grand-père, grand-mère, oncle ou tante. Les mères de famille sont ainsi toujours les plus gâtées – même si on leur offre encore souvent des objets ménagers. Et en général ce sont les grands-parents qui donnent le plus et reçoivent le moins… Christine LEGRAND
(1)
Auteur de Faut-il croire au Père Noël ? Éditions du Cavalier bleu, 12
€, et d'Ethnologie de Noël. Une fête paradoxale, éditions Grasset,
18,20 €.
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