Noël, moins qu'une
fête, un devoir de cœur
Dans cette parfumerie
huppée de la
commune de Pétion-Ville, en cette fin de matinée, on ne se croirait pas
à
seulement trois jours de Noël. Les acheteurs y sont peu nombreux. Ici,
une
jeune femme de vert vêtue, le visage soigneusement maquillé, adresse à
la
vendeuse une requête précise. « Il me faut un parfum léger, classique,
un
cadeau pour ma belle-mère », indique-t-elle.
Non loin d'elle, un homme affichant une barbe de deux jours ne parait
pas
satisfait du produit qui lui est offert. « N'y a-t-il pas quelque chose
de plus
beau, mais moins cher », demande-t-il un peu gêné. « Je suis en train
de
reconstruire ma maison effondrée lors du tremblement de terre du 12
janvier,
alors je ne peux pas trop dépenser pour les fêtes ».
Le ton est donné : sobriété devra faire bon ménage avec Noël. Cette
année, pour
beaucoup d'Haïtiens aux prises avec les stigmates du tremblement de
terre, la
menace du choléra et le spectre des bouleversements politiques, le cœur
n'y est
pas. Pourtant, ceux qui le peuvent, ceux qui ne sont pas sous les
tentes, qui
ont encore un certain pouvoir d'achat et qui ne sont pas trop meurtris,
se font
pour devoir d'acheter le traditionnel cadeau de Noël pour un être cher,
un ami.
« J'ai perdu beaucoup de gens que j'aimais le 12 janvier et j'aurais
tant aimé
pouvoir leur faire plaisir de nouveau. Malgré ma peine, Noël reste le
temps du
partage», explique avec une certaine émotion l'élégante femme vêtue de
vert.
Même esprit, dans ce magasin de produits de luxe de Pétion-Ville. Ici,
tout est
mis à contribution pour que le client se sente vraiment imprégné de
l'esprit de
Noël. La décoration aux milles lumières, l'amabilité des hôtesses mais
aussi
les quelques petites gâteries gustatives offertes aux acheteurs.
Les gens, sont plus nombreux, moins pressés. Ils prennent le temps de
se
saluer, s'embrasser. Les amis sont contents de se retrouver. Après
quelques
banalités d'usage, c'est le temps de passer aux choses sérieuses. On se
quitte
pour que chacun puisse finalement choisir le cadeau à emporter en
secret à la
maison.
« Noël c'est surtout ce que tu en fais quelles que soient les
circonstances »,
atteste un homme d'affaires venu acquérir un présent pour sa femme.
Outre les conjoints et conjointes, les papas et les mamans, une belle
part est
faite aux enfants. Dans cette boutique de vêtements et de cadeaux pour
tous
petits, les mamans, les amies, et les marraines font leurs emplettes.
Ce n'est
pas l'affluence, à peine sept clientes sont dans le magasin, mais c'est
sûr
qu'elles ne repartiront pas les mains vides, comme en témoignent les
quelques
paquets en train d'être emballés à l'arrière de la caisse.
« Cela fait seulement deux jours que les activités ont repris. C'est
très lent,
les clients ne dépensent pas trop mais ils viennent quand même et
achètent »,
explique la propriétaire.
Un sachet aux couleurs de Noël en main, une cliente affirme que les
enfants ne
doivent pas être doublement victimes. « Ils ont eux aussi vécu des
moments
difficiles. Noël est traditionnellement leur fête, il ne faudrait pas
les
négliger même si nous autres adultes n'avons pas l'esprit à célébrer
quoi que
ce soit», soutient-elle.
Cet avis est sans nul doute partagé par cette missionnaire américaine,
à cheval
entre Haïti et son pays depuis 2002. Les nombreux paniers remplis de
jouets de
toutes sortes qu'elle dépose à la caisse de ce magasin fort bien
achalandé
attirent les regards. « Je travaille dans un camp de déplacés de Delmas
48 et
je vois la détresse des gens et celle des enfants. Ma mission va
organiser pour
eux une petite fête, car un geste de rien du tout peut leur donner
beaucoup de
joie », avance-t-elle en souriant.
C'est sûrement cela Noël, donner un peu de bonheur à ceux qui nous sont
chers
même en ces temps de mille misères.
Martine
Denis Chandler
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