Joyeuses fêtes de Noël et de Jour de l'An |
Sous le sapin exactement
Autrefois, on disait qu’il n’y avait plus de saisons et que les traditions se perdaient. Aujourd’hui, non seulement décembre ne triche pas avec les températures, mais on nous vante la tradition, à condition qu’elle soit moderne. Ainsi, Noël doit-il être la copie des précédents, mais sans comparaison. L’antique bûche n’est acceptable que si elle mute. Elle sera sphérique (la Maison du chocolat), en forme d’Iceberg (Häagens Dazs), ou de lèvres (à la mère de famille). Problème : comment différencie-t-on une bûche ronde, d’un bête gâteau ? De même, le sapin. Doit-il être le même ? Ou différent ? Si on est fauché et écolo, on peut le réaliser au mur soi-même grâce à des rubans adhésifs, et photographier des boules qu’on colle sur notre arbre home made. Cela suppose d’être capable de dérouler le ruban adhésif sans se ligoter. Et de repeindre son appartement ensuite, car maladroite comme on est, on y aura laissé des traces de colle.
L’avantage d’un tel sapin est qu’on ne joue pas au volley-ball avec ses boules et que l’arbre ne perd pas ses épines - super, si on reçoit des collants, ça évitera de les trouer en les essayant. Mieux vaut être également dépourvu d’enfants car, bien qu’ils soient souvent des surdoués de la virtualité, on doute qu’ils apprécient les conifères conceptuels. Or, dans toutes les familles laïques, on fête Noël pour dire aux enfants qu’on les aime. Pourtant, cette année, les cadeaux hyperagressifs ne manquent pas. Mais le propre de tout don n’est-il pas de pouvoir être détourné de son intention ? Un parfum peut être pris pour une insulte - trop banal, et en plus, il sous-entend que le destinataire sent mauvais. A l’espace cadeaux d’un grand magasin, on a vu un truc, qu’on a d’abord pris pour un accessoire de gym - il n’est d’ailleurs pas certain qu’il soit très agréable de recevoir un outil anticellulite. De près, il s’agissait d’un collier de chien, comme pour rejouer le célèbre sketch de la fête d’anniversaire dans Un air de famille, de Cédric Klapisch. Autre agression : la conversation. On passe sur les parents qui profitent des recompositions familiales avec quasi-frères et demi-belles sœurs pour faire réviser aux enfants les fractions. Ou qui prennent le cas de Joseph, le malheureux mari de Marie, pour énoncer un cours d’éducation sexuelle qui intègre toutes les nouvelles manières de procréer sans se toucher.
Mais ne pas avoir l’usage de la parole ne préserve de rien : la palme du cadeau atroce revient aux nouveau-nés. Il s’agit d’un berceau japonais high-tech, «traditionnel et moderne», selon la brochure, qui calme automatiquement les bébés, en bougeant toutes les 1,8 seconde, «le rythme cardiaque d’une mère calme» - la notice ne précise rien pour le père. La vitesse d’oscillation est réglable grâce à un détecteur de pleurs. Le but ? Passer un dîner silencieux, sans avoir à se lever pour bercer la prunelle de ses yeux. Joyeux Noël, tout ce qui précède était un cauchemar. Dans la vraie vie, Noël, c’est le bonheur. Anne
Diatkine
|
Sommaire Noël 2010 |