Une Messe de minuit à Paris.
«Parmi les souvenirs de ma toute petite
enfance, écrit François Coppée, il en est un, particulièrement doux, qui surgit
en ce moment du fond de ma mémoire: c'est celui d'une messe de Noël.
«La neige était tombée avec abondance les
jours précédents, puis une forte gelée avait durci le blanc tapis de frimas, et
les rues, alors peu fréquentées, de cette partie du faubourg Saint-Germain,
faisaient songer à la retraite de la Grande Armée à travers les steppes de
Russie et au passage de la Bérésina.
«Toute la famille s'était proposé d'assister à
la Messe de minuit; mais, devant la rigueur de la température, il fut décidé
que les femmes garderaient le coin du feu, et que seuls, les hommes—j'en étais
un, songez donc, cinq ans et demi,—se risqueraient à mettre le nez dehors.
«Donc, quand les cloches commencèrent à sonner
dans le ciel étoilé, ma mère nous emmitoufla soigneusement, mon père et moi,
sous les paletots et les cache-nez, et, faisant craquer la neige durcie sous
nos semelles, nous gagnâmes tous les deux, en suivant la rue Vanneau et la rue
de Varenne, la chapelle des Missions étrangères qui était alors notre paroisse.
L'église bondée de foule, la chaleur
étouffante, le violent parfum de l'encens, l'harmonieux rugissement de l'orgue,
les innombrables lumières des cierges qui semblaient une pluie d'or
immobilisée, je revois et je ressens tout cela comme si j'y étais encore. La
Crèche surtout, la Crèche avec ses personnages et ses animaux de bois peint, et
son petit Jésus de cire que les brins de paille auréolaient comme des rayons,
émerveillèrent mes yeux d'enfant»
François
Coppée, Lointain Noël.
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