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pere noel

Joyeuses fêtes de  Noël et de Jour de l'An



NOËL
DANS
LES PAYS ÉTRANGERS

ESPAGNE

Pere Noel

Chez les peuples du Nord, l'idée de Noël est associée à celle de froid, de neige et de bise glaciale. Les enfants s'y représentent «le Bonhomme Noël» avec sa longue barbe blanche et ses vêtements tout couverts de givre clair et craquant.

Là-bas, au midi de l'Espagne, sur la terre andalouse, le soleil brille radieux, l'azur du ciel resplendit sans tache et, le vingt-cinq Décembre, le thermomètre marque ordinairement douze degrés à l'ombre et vingt-cinq au soleil.—Aussi le jour de la Natividad ou de la Navidad, la joie de tous devient bruyante et tapageuse. Pendant la nuit de Noël, la Noche buena (la bonne nuit), comme l'appellent les Espagnols, les rues retentissent de clameurs et des plus assourdissants concerts.


Le temps de Noël, en Espagne, commence avec l'Avent.

A Madrid, la veille du premier dimanche de l'Avent, un fonctionnaire du tribunal ecclésiastique (Rota)[1], accompagné des timbaliers et des trompettes des écuries royales, des alguazils et d'un nombreux cortège, tous en costumes des XVIIe et XVIIIe siècles, parcourt à cheval les principales rues de Madrid et lit le décret concernant la proclamation de la Bula de la Santa Cruzada (la Bulle de la Sainte Croisade). Cette bulle octroyée d'abord par Jules II et renouvelée en 1849, Par Pie IX accorde à tous les Espagnols les mêmes Privilèges que ceux des anciennes Bulles des Croisades d'Urbain II et d'Innocent III.

On nous a raconté à Miranda de Ebro qu'à l'époque de l'invasion des Maures, les paysans d'Espagne, au péril de leur vie portèrent des vivres aux troupes catholiques, obligées quelquefois de se réfugier dans des montagnes inaccessibles. On permit aux vaillants défenseurs de la foi et à leurs intrépides pourvoyeurs de faire gras les Vendredis, pour réparer leurs forces épuisées par d'incessantes fatigues. Le privilège devint un usage qui fut consacré par la Bulle de la Sainte Croisade. Celle-ci permet aux Espagnols de faire gras tous les Vendredis de l'année, moyennant une légère aumône[2].


Noël est surtout la grande fête des pays basques: en Guipuscoa, on dit las Pascuas de la Natividad (les Pâques de la Nativité).

On nous écrit de la République Argentine, où se sont implantées la langue et les coutumes espagnoles, qu'il est d'usage de se faire visite à l'occasion de Noël et de se souhaiter de felices Pascuas de Navidad (d'heureuses Pâques de Noël)[3].

Pendant le temps que durent les fêtes de Noël, il est de coutume dans toute l'Espagne—villes et campagnes—de chanter des airs pastoraux appelés villancicos (cantiques de Noël), mesure six-huit, qui symbolisent les chants des pasteurs célébrant la naissance de l'Enfant-Jésus. Ces chants sont le plus ordinairement accompagnés de castagnettes et de Zambombas. Cet instrument de musique (??) n'ayant pas d'équivalent en français, nous nous croyons obligé de le décrire.

nativite

La Zambomba, ainsi appelée sans doute par harmonie imitative, est une sorte de tambourin champêtre qui serait venu des Maures: on le retrouve encore en Afrique. C'est un vase de terre cuite ayant à peu près la forme d'un sablier. Une des extrémités recouverte d'une peau épaisse, desséchée et soigneusement tendue, présente une ouverture au centre. Dans cette ouverture passe une baguette d'environ cinquante centimètres, plantée perpendiculairement et liée à la peau. Pour faire mugirl'instrument, il suffit de communiquer à la baguette un énergique mouvement de va-et-vient.

Dans les faubourgs, tous ont leur Zambomba: enfants, parents, vieillards. A tous les coins de rue, les marchands en vendent; il y en a de toutes sortes; quelques-unes même sont vraiment luxueuses: la boîte sonore est ornée de peintures et la baguette est en bois rare et précieux.

Heureusement l'usage de la Zambomba est limité aux fêtes de Noël: c'est suffisant.

Quelque bruyante que soit la fête de Noël en Espagne, elle l'est encore moins que le Samedi Saint. Ce jour-là, vers onze heures du matin, quand les cloches revenues de Rome commençent à sonner le Gloria in excelsis, il se fait, pendant une demi-heure, un bruit des plus étranges. Les cuisinières frappent, à tour de bras, sur leur casserole la plus sonore, pendant que dans la rue, les enfants armés de maillets frappent sur les portes des maisons, comme s'ils voulaient les défoncer. Un tel charivari, s'il devait durer, finirait par rendre fou.

poinsettia

A Valladolid et à Salamanque, les jeunes filles dansent autour des statues de la Madone en chantant des villancicos qui ne contiennent souvent que des pensées inachevées, comme dans beaucoup de mélodies populaires. Nous ne citerons que ces deux couplets:

Ardia la razza,

Y la razza ardia,

Y no se quemaba;

La Virgen Maria!

Le buisson brûlait.

Et brûlait le buisson.

Et ne se brûlait pas;

La Vierge Marie!

San José era carpiniero,

Y la Virgen costurera,

El Niño labra la cruz,

Porque ha de morir en ella.

Saint Joseph était charpentier.

Et la Vierge couturière.

L'enfant travaille le bois de la croix.

Parce qu'en elle Il doit mourir.

La ville la plus intéressante au point de vue des fêtes religieuses et populaires est assurément Séville. C'est peut-être dans ce sens qu'il faut entendre ce proverbe si connu dans toute l'Espagne:

Quien no ha visto Sevilla

No ha visto maravilla.

Qui n'a vu Séville

N'a vu merveille[4].

Ce n'est point la tour de la Giralda si remarquable par la proportion harmonieuse de ses lignes, ce ne sont pas ses autres monuments, ni ses trésors d'art, ni les beaux tableaux de Murillo qui ont fait surnommer Séville «l'Enchanteresse», la Encantadora, ce sont les agréments de la vie, les fêtes, le mouvement perpétuel de gaieté qui anime sa population.

Ses grandes processions de la Semaine Sainte (pasos) sont célèbres dans le monde entier.

La fête de Noël (la Natividad) y est particulièrement populaire: elle se passe, en grande partie, en plein air; le marché est plus animé que jamais entre le pont de Tiana et la plaza de Toros.

«Voici d'abord le pavero (marchand de dindons, pavos en espagnol). C'est une industrie qui ne s'exerce guère qu'aux approches de Noël. Quelques jours avant la fête, il fait son apparition dans les rues, poussant devant lui son troupeau de volatiles. Ils vont se dandinant, ébouriffant leurs plumes-moirées, secouant leur jabot aux teintes sanguinolentes, attirant par leurs gloussements les ménagères prévoyantes... Le pavero crie sa marchandise et la vend avec toute la fierté de sa race»[5].

couronne de noel

A Barcelone, la ville aux larges et riantes avenues, le vingt et un Décembre, fête de Saint-Thomas, il y a grande affluence de paysans qui viennent exposer et vendre despavos (dindons), sur la Rambla de Cataluña[6], pour les fêtes de Noël.

La loterie de Noël, à Séville, donne aussi à cette fête un attrait et une animation extraordinaires: on peut juger de son importance par la valeur du gros lot qui dépasse ordinairement deux millions de francs. Le prix de chaque billet est de cinq cents francs, mais il peut se diviser en coupures et fractions qui vont jusqu'aux sommes les plus petites.

Après le tirage, le gain se partage au prorata de la valeur des billets, coupures et fractions.

Les Espagnols s'intéressent tous à cette grande oeuvre quasi nationale et même ceux qui vivent à l'étranger ne manquent pas d'écrire à Séville pour se procurer des billets.

Quelques jours avant Noël, on a coutume, dans bon nombre de familles où il y a des enfants, d'édifier des représentations de l'Adoration de l'Enfant Jésus par les Bergers et les Rois Mages. Des paysages en miniature se peuplent de personnages et d'animaux sans grand souci de la couleur locale, ni de la vraisemblance. On appelle ces sortes de Crèches des nacimientos (naissances).

Dans certaines familles, on s'y applique consciencieusement à l'avance pour combiner des effets pittoresques que les amis viendront voir jusqu'aux «Rois» que ces éphémères constructions ne dépassent jamais.—Cette coutume existe à peu près dans toute l'Espagne.

nacimientos

Dans les provinces du Midi, après avoir admiré dévotement le divin Enfant, la Vierge Marie, Saint Joseph, les Bergers, les Rois Mages, l'âne et le boeuf traditionnels, on passe une partie de la nuit à se divertir et surtout à danser le fandango. Cette danse préférée des Espagnols est sur un rythme entraînant, à trois temps, avec accompagnement de guitare et de castagnettes. Son mouvement rapide, l'agitation des bras, les trépidations des danseurs, lui donnent un caractère d'animation plein d'originalité. Dans l'intervalle des danses, on boit de l'aguardiente (eau-de-vie) et du manzanilla (petit vin blanc sec). Cette réunion toute intime de parents et d'amis se termine par une danse spéciale à laquelle tout le monde prend part.

«Tous les assistants sont assis en cercle. Une jeune fille alerte s'élance d'un bond au milieu et parcourt rapidement le rond, toujours dansant. Puis elle s'arrête devant un des spectateurs qui est tenu de la remplacer et d'exécuter un pas brillant, quels que soient son âge, sa situation, sa gravité. Celui-ci s'arrête ensuite devant une femme, jeune ou vieille, qui lui succède dans ses exercices chorégraphiques, et ainsi de suite jusqu'à épuisement des danseurs»[7].

Dans les provinces du Nord, aux pays basques, par exemple, on trouve beaucoup moins ces manifestations bruyantes: une lenteur mesurée, une tonalité grave règnent dans les actes et les discours. Après la Messe de minuit a lieu le réveillon qui se compose du besugo, poisson fréquent dans la contrée, de l'oie grasse et du dessert composé de nougats, d'alicante et de jijun.

repas de noel en espagne

Dans le Midi, la tourte de Noël[8] , la morue frite, les châtaignes, la dinde truffée font les frais du repas qu'arrosent à pleins verres le Valdepeñas et le Manzanilla. Quelquefois la guitare et la Zambomba accompagnent le Tango, le Boléro et la Sevillana (danses espagnoles).

Les gâteaux de Noël préférés par les Espagnols sont les « Turones ». Chaque année, on en vend des quantités considérables, à Barcelone, sur le paseo de la Industria(la promenade de l'Industrie).

Les Tourons ou massepains sont d'énormes gâteaux au miel, aux amandes pilées, aux patates douces, sur lesquels l'imagination et la grâce espagnoles se donnent libre cours pour les ornementations. Ils ont généralement la forme de serpents enroulés et sont couverts d'arabesques en sucre multicolores, de fondants et de fruits confits et glacés. Ils sont merveilleux à voir et délicieux à manger. Il y a, comme volume, depuis la petite couleuvre, jusqu'aux plus immenses boas. Toute la famille espagnole a son Touron pour Noël et les familles riches s'en offrent qui coûtent des prix considérables[9].

gateau de noel

Le matin de Noël, avant la grand'messe, les villageois basques dansent aussi le fandango, au son des guitares et des castagnettes, mais avec un rythme bien différent des peuples du Midi. Les danseurs arrondissent leurs bras en ailes de moulins, se font vis-à-vis en des gestes câlins, sans que jamais l'un vienne à s'approcher de l'autre. Ils demeurent silencieux et compassés. Pénétrés de la dignité de leurs rôles, ils semblent accomplir quelque sacerdoce. Sur un chapiteau renversé, un hidalgo loqueteux, venu on ne sait d'où, chante la triste Malageña, mélopée plaintive, venue du temps des Maures, pendant qu'un rayon de soleil vient éclairer sa pauvre mine de misère[10].

Noël est avant tout une fête religieuse chez le peuple espagnol, fidèle gardien des naïves et touchantes traditions de ses pères.

Sans doute, il y a bien parfois quelques manifestations bruyantes dans les églises, surtout dans les quartiers pauvres et ouvriers. Des castagnettes, des tambours de basque, des Zambombas accompagnent des villancicos (Noëls) à l'allure un peu trop alerte: certains instruments

assez singuliers imitent le chant des oiseaux, surtout le cri éclatant du coq. A l'offertoire et à la sortie, l'orgue lui-même, oublieux de sa gravité ordinaire, joue des variations sur des thèmes empruntés aux airs les plus populaires. Au milieu de pareils concerts, les enfants de choeur sautillent bien un peu, la foule est agitée d'un balancement qui marque un peu trop la mesure, mais l'ensemble reste toujours sérieux et digne du saint lieu.

Feliz Navidad

A Séville, le jour de Noël, on danse encore dans les églises, mais tout est prévu et réglé d'avance et l'assistance, témoin de ces exercices qui font partie intégrante du cérémonial de la fête, se livre à la joie, sans perdre son attitude calme et recueillie.

Jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, à Valladolid, on représentait, au milieu des églises, les Mystères de la Nativité. Les personnages qui étaient en scène, portaient des masques grotesques et des costumes d'un goût douteux. Ils étaient accompagnés par tous les instruments populaires: castagnettes, tambours de basque, guitares, violons. Dans les entr'actes, l'organiste jouait seul: il choisissait dans son répertoire les morceaux les plus entraînants. Tout à coup les femmes et les jeunes filles entraient en danse, portant à la main des cierges allumés. Toute cette festivité était entremêlée de villanelles ou chansons rustiques. Celui qui avait le mieux chanté était salué par les fidèles du beau nom de Victor.

Si nous pénétrons, le jour de Noël, dans une des églises du Midi de l'Espagne, nous y trouverons une foule qui s'y presse pour sanctifier cette solennité. La jeune andalouse en habit de soie noire, avec mantille, agenouillée sur la dalle nue [11], fixe du regard la Madone vêtue de ses plus beaux atours de damas et de dentelles et couronnée d'un riche diadème aux perles étincelantes. Elle est droite, immobile, comme figée sur place, adressant une fervente prière à la Vierge qui ne peut manquer de l'exaucer, en ce jour de l'anniversaire de la naissance de son fils. Telles les orantes, sculptées dans le marbre ou la pierre, qu'on admire dans les catacombes de Rome, ou auprès des tombeaux du Campo santo de Gênes et des autres villes d'Italie.

Dans le Nord, la jeune basquaise va également se prosterner, le jour de Noël, dans l'église de Lezo, près de Saint-Sébastien [12]. Ce n'est plus la Vierge Marie qu'elle implore, c'est devant l'image du Christ vénéré qu'elle reste des heures entières, plongée dans une sorte d'extase. Comme elle contemple, avec émotion et avec larmes, son Dieu à l'aspect saisissant, aux membres alanguis, à la chevelure d'ébène, au regard tendre et compatissant qui semble la fixer et la comprendre. Elle lui confie tous les secrets de son âme ardente: ses peines, ses illusions, ses espérances. C'est à Lui qu'elle vient demander ce que chante la vieille complainte:

Santo Cristo de Lezo.

Tres cosas te pido:

Salud, dinero

Y buen marido.

Saint Christ de Lezo,

Je te demande trois choses:

Le salut, la fortune

Et un bon mari.

En parcourant ces silencieuses campagnes de la province de Guipuscoa, il nous est souvent revenu à l'esprit une belle page de Pierre Loti, sur la Messe au pays basque, et surtout ces lignes finales: «Faire les mêmes choses que depuis des âges sans nombre ont faites les ancêtres, et redire aveuglément les mêmes paroles de foi, est une suprême sagesse, une suprême force. Pour tous ces croyants qui chantaient là, il se dégageait de ce cérémonial, immuable de la Messe une sorte de paix, une confuse mais douce résignation aux anéantissements prochains. Vivants de l'heure présente, ils perdaient un peu de leur personnalité éphémère pour se rattacher mieux aux morts couchés sous les dalles et les continuer plus exactement, ne former avec eux et leur descendance à venir, qu'un de ces ensembles résistants et de durée presque indéfinie qu'on appelle une race.»

Il nous a été donné de voir des familles entières agenouillées devant le Christ miraculeux de la belle cathédrale de Burgos ou devant la Virgen del Pilar (la Vierge du Pilier) de l'immense basilique de Saragosse. Rien, dans nos souvenirs de voyages, ne nous a donné une idée plus haute de la foi qui opère des merveilles, et de l'ardente charité d'un peuple au coeur vaillant et à la religion profonde et vraie.

Il nous reste à parler de la Messe de Noël en Espagne, Messe de minuit et Messe du jour.

La Messe de minuit s'appelle Misa del Gallo (la Messe du coq ou du chant du coq): elle n'offre rien de bien particulier.

Elle se célèbre dans la plupart des églises de Madrid. A la fin, les fidèles entonnent les villancicos en s'accompagnant d'instruments de toute sorte: il se fait alors un tapage qui surprend et étonne les étrangers. Des bandes bruyantes d'hommes du peuple parcourent en chantant les rues les plus fréquentées. Depuis minuit, les cafés, surtout ceux de la Puerta del Sol [13], se remplissent d'une foule animée. La visite du marché aux fruits de la plazza Mayor est intéressante, surtout le soir de Noël: il y a quantité de boutiques brillamment illuminées.

lumiere

Le jour de Noël, les monastères ouvrent leurs chapelles ordinairement fermées au public et la Messe de minuit se célèbre avec une grande solennité. Chaque fidèle y apporte, soigneusement enveloppé dans son manteau, son cierge bizarrement enroulé en forme de serpent. Dans le rayonnement des lumières, apparaît, au milieu de la nef principale et jusque dans le sanctuaire, une foule recueillie à la foi ardente et aux élans d'une piété expansive. C'est une suite de fiévreux signes de croix, de baisements des dalles, de coups frappés sur la poitrine, de regards enflammés et suppliants allant de l'autel à la Madone et de la Madone à l'autel.

Dans l'église, au dôme élevé, du célèbre couvent de Loyola, bâti sur l'emplacement de la maison où naquit Saint Ignace, fondateur de l'Ordre des Jésuites—à la Messe de minuit—l'orgue joue, après l'élévation, la Marche royale avec accompagnement de tambours de basque et de castagnettes. Les Religieux, par suite d'un usage séculaire, célèbrent à la fois la gloire du Très-Haut et celle de leur Souverain[14].

M. Etienne Roze nous décrit, dans un style plein de charme et d'humour, une Messe de Noël à Madrid:

«Le jour de Noël, désirant assister à un office pittoresque, je me rendis à la Grand'Messe de l'Hôpital Général. C'était là, m'avait-on dit, le refuge des vieilles traditions.

«... Autour de l'harmonium, des Religieuses étaient groupées. Je n'ai jamais entendu une Messe chantée sur un rythme aussi gai. Le célébrant tout allègre entonna le Kyrie sur quelques notes vives et alertes et le choeur lui répondit dans une attaque parfaite.

«Une vieille religieuse, toute ridée sous sa cornette blanche, battait la mesure avec décision: c'était un excellent chef d'orchestre.

«... Les voix étaient justes et fraîches et les instruments parfaitement accordés.

«Il y avait deux Zambombas, deux tambours de basque, des castagnettes, deux trompettes, deux sifflets de tons différents, un coucou, un coq, un rossignol et deux de ces petits pots en terre qu'on remplit à demi et dans lesquels on souffle pour imiter un gazouillis d'oiseaux.

Zambomba

«Tout cela partait, s'arrêtait, reprenait dans une mesure excellente. Seuls, les gazouillis étaient quelquefois en retard et gazouillaient de temps à autre, au milieu d'un silence ou quand ce n'était plus leur tour. Mais ils gazouillaient si bien, avec tant de gentillesse, qu'il était impossible de leur en vouloir.

«... D'ailleurs, le chef d'orchestre faisait les gros yeux et tout rentrait dans l'ordre.

«... On eut dit une Messe chantée dans une volière.

«Le coq, le rossignol et le coucou étaient surtout merveilleux. Ils s'appelaient et se répondaient avec une impeccable mesure. Les tambours et les castagnettes formaient la basse et ne se reposaient jamais.

«... Tout l'office fut célébré ainsi et d'une façon si naïve, si simple, si touchante, avec une foi si vive et si sincère, que le sourire qui m'était venu au début sur les lèvres, disparut très vite, pour faire place à une réelle émotion»[15].

Après la Messe de minuit, il est d'usage, en Espagne, de se saluer par ces mots: nacido [16] el Niño! (l'Enfant est né!)

Le jour des Rois (Dia de Reyes), à Madrid, une foule animée remplit les rues et les magasins. Le soir, des enfants portent des flambeaux, des échelles, dès sonnettes et des tambours, parcourent les rues et les places les plus écartées où ils font halte pour «guetter l'arrivée des Rois». Mais bientôt un «Messager» vient annoncer que les Rois ont pris «un autre chemin» et qu'ils font leur entrée à l'autre bout de la ville. Sur quoi, toute la bande se dirige vers l'endroit indiqué, où la même scène recommence.

Le jour de l'Épiphanie, à Madrid, dans la chapelle royale, une Messe solennelle est dite par le Cardinal-Aumônier. Le Roi, la Reine et toute la famille royale y assistent, avec toute la Cour, en tenue de gala. Après la Messe, le Roi fait porter sur l'autel trois beaux calices; le Cardinal les consacre et le Roi les envoie, en souvenir des trois Rois Mages, à trois églises pauvres[17].

 
 3 Decemb. 1905.

 

Monseigneur CHABOT

Prélat de Sa Sainteté
CURÉ DE PITHIVIERS (LOIRET)





[1] Ce tribunal est formé à l'instar de celui de Rome, qui porte le même nom. On l'appelle Rota, qui veut dire roue, parce que la salle où se réunit ce tribunal est circulaire, en sorte que les juges assis forment un rond.

[2] On définit ordinairement la Bulle de la Sainte Croisade: «un diplôme papal, contenant de nombreux privilèges, induits et grâces, accordé, au Roi d'Espagne pour l'aider dans la guerre contre les Infidèles.»

Pour obtenir cette Bulle, il faut résider dans les Royaumes, Provinces et territoires  soumis au Roi d'Espagne. Les étrangers cependant peuvent validement jouir des privilèges de la Bulle, s'ils viennent en pays espagnols, même en y passant très peu de temps et quelle que soit la raison qui les y amène.

Autrefois, pour jouir des faveurs de la Bulle, il fallait aller en personne, dans l'armée espagnole, combattre les Infidèles, ou bien équiper à ses frais un soldat de cette armée, ou bien faire une aumône. Aujourd'hui, il suffit d'acheter la Bulle, moyennant une légère aumône, d'y inscrire son nom et de la conserver chez soi.

Entre autres privilèges, la Bulle accorde le droit de manger des oeufs et du laitage tous les jours de Carême, ainsi que de la viande tous les jours de jeûne et d'abstinence de l'année.

[3] En Espagne on dit: les Pâques de la Nativité et les Pâques de la Résurrection.

[4] D'après un autre proverbe espagnol: Quien no ha vista Granada, No ha visto nada, qui n'a vu Grenade, n'a rien vu.—Nous pensons, en effet, que cette ville offre le plus beau paysage de toute l'Espagne. Qu'on se figure une campagne verte et fraîche, puis, à l'entour, un cadre de collines ruisselantes d'eaux vives, exubérantes de végétation; plus haut un amphithéâtre de montagnes d'une douce lumière bleue, enfin, par dessus tout, les neiges éternelles de la Sierra Nevada, montant à 3,500 mètres dans l'azur sombre du ciel.... Voilà le riant et grandiose panorama de la ville merveilleuse de l'Alhambra!

[5] Louis d'Harcourt, Illustration, 1890.

[6] Le terme rambla qui, vient de l'arabe, désigne dans toute l'Espagne le lit desséché d'un fleuve: souvent, comme à Barcelone, il est remplacé par de superbes boulevards. Ce qui fait que le mot de Cervantés s'applique encore à la grande cité qu'il appelle «une ville unique par son site et sa beauté», en sitio y en bellezza unica.

[7] Louis d'Harcourt, loc. cit.

[8] A la République Argentine, le régal de Noël est le pan dulce (pain doux), sorte de gâteau aux raisins confits que les pâtissiers confectionnent en grande quantité pour cette fête.

[9] En Espagne, comme en Italie, Noël remplace le Jour de  l'An.

[10] D'après la Quinzaine, 16 Décembre 1904.


[11] Les églises espagnoles ne contiennent pas habituellement de chaises.

[12] Dans les pays basques, il est d'usage, au jour de Noël, de se rendre a trois pèlerinages locaux particulièrement célèbres: ce sont ceux de Lezo, d'Iziar et d'Aranzazu  

[13] La Puerta del Sol (la Porte du Soleil), la place la plus grande et la plus animée de Madrid: elle doit son nom à l'ancienne porte démolie en 1570, d'où l'on pouvait voir le lever du soleil.

[14] La Quinzaine, loc. cit.

[15] Revue Marne. Noël 1902.

[16] La loi du moindre effort fait disparaître le d dans la prononciation et ordinairement on dit: nacie el Niño.

[17] Ce trait édifiant et plusieurs autres nous ont été racontés par un ecclésiastique qui a passé deux années à Madrid, et qui a eu de fréquentes relations avec la famille royale d'Espagne.





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