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L’affreux conte de Noël
"Je suis Maire depuis
1987 d’une petite commune de Lorraine, au cœur du pays des mines de fer. Il y a
50 ans exactement, malgré
l’occupation durant 79 jours du fond de la mine par les mineurs licenciés,
l’exploitation a été fermée, provoquant la ruine sociale de la ville et de ses
habitants.
Les cités minières à
l’image des corons du Nord sont à l’abandon. La rue la plus dégradée, la rue
d’Alsace, héberge dans des minuscules appartements des familles très pauvres
pendant de longues années.
Dans les années 90, y
vit un couple des plus modestes. Le père, Charly, travaille dur pour un salaire
de misère. Je le côtoie
dans le vieux bistrot de la grand-mère de ma femme, où il aime venir se
réchauffer et boire un ou deux canons, parfois même un peu plus.... Ses deux
garçons vont à l’école du village avec mes filles. Tout le monde s’émerveille de leur
politesse, leur sérieux et leur propreté.
Une dizaine d’années
plus tard, l’épouse de Charly me demande un rendez-vous en Mairie autour du 20
Décembre. Elle arrive, manifestement gênée, s’excuse trois fois de me déranger,
et finit par me dire qu’elle attend l’arrivée d’un de ses fils militaire pour
sa permission de Noël et qu’elle n’a pas le moindre sou pour garnir la table familiale durant les fêtes.
L’autre garçon l’a promue grand-mère d’une petite fille, et la famille aimerait
réveillonner comme tout le monde… Je la rassure, lui délivre un bon d’achat d’alimentation du CCAS.
Au passage, elle me confie qu’elle est un peu
souffrante et n’a même plus le moindre sou pour acheter ses médicaments,
« pour la circulation du sang ». Je la dispute un peu : Notre département,
administré par mon ami Michel Dinet, est alors un des seuls en France à avoir
mis en place à titre expérimental, ce qui deviendra plus tard la couverture maladie universelle (CMU). Je lui
recommande de venir voir notre assistante sociale rapidement, pour faire le
dossier, et qu’elle n’aura alors plus à avancer l’argent pour se soigner.
Elle me quitte alors, son bon alimentaire
soigneusement plié entre les mains, non sans avoir redit ses regrets d’avoir
osé déranger « Monsieur le Maire » pour si peu…
Elle n’est jamais revenue voir l’assistante sociale…
Le lendemain du réveillon, le commandant des pompiers de ma ville, m’appelle
pour me dire que la nuit précédente, les pompiers sont allés rue d’Alsace
d’urgence. L’épouse de Charly était morte brutalement, sa petite fille dans les
bras, la nuit du réveillon : « La circulation du sang »… sans les
médicaments…"
Christian Eckert
Cet affreux conte de Noël n’est pas inventé. Il fait partie de ce qui me pousse à faire de la politique à Gauche.
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