Le voleur de Lumière
Il y a bien longtemps, à l’aube des temps et des légendes, dans un pays, aux confins de la terre, se situant dans le septentrion, à un moment
de l’année, le soleil disparut du ciel, sa lumière fut comme avalée par
les ténèbres. Le phénomène souleva la consternation, provoquant grand-peur et émois au sein de la population.
La
nuit s’installa, désormais la noirceur régnait en maître sur
ces contrées froides et hostiles. Les paysans se lamentaient, se
désespérant que le soleil ait quitté leur pays, qu’il ait déserté leur ciel.
Toute
cette sombreur inquiétait et donnait à voir dans les campagnes, des arbres
dressés dans cette nuit perpétuelle,
telles des silhouettes fantomatiques. Les bouleaux avançaient dans les terres, comme des soldats égarés, cherchant
leur salut dans une fuite éperdue.
Le vent
fouettait les arbres dépouillés, effeuillés, ébranchés, il en résultait des
bruits inquiétants, des râles
sinistres, des plaintes surgissaient de
la nuit, comme si les esprits de la forêt suppliaient ou agonisaient.
Les elfes avaient quitté les bois, fuyant ce monde gelé pour se
réfugier dans les
chaumières et les granges. La nuit lugubre les avait apeurés et ils se
mirent à voisiner avec les hommes, quoique vivant cachés des humains,
mais de rares fois
on pouvait les voir ou sentir leur présence dans la maison ou dans la
grange.
La
faim commençait à se faire ressentir, les réserves de céréales venaient à
manquer, le blé, l’orge, le seigle et l’avoine se faisaient rares et la mort
rôdait.
Les
hommes et les femmes, ne savaient à quel dieu ou quelle déesse s'en remettre.
Ils lancèrent des suppliques comminatoires aux dieux, mais ceux-ci ne s’en laissèrent
pas compter, puis ils firent des oblations, des offrandes propitiatoires lors des cérémonies autour des grands chênes
sacrés, mais leurs prières ne
trouvèrent aucun écho dans le ciel, juste une résonance dans le puits sans fin.
Les Dieux n’avaient aucune commisération pour les hommes, ils étaient au-dessus
de ces contingences.
Les
hommes se retournèrent contre leurs prêtes, les pendirent aux branches des
chênes sacrés, les plus chanceux s’enfuirent
dans les forêts, la compagnie des bêtes féroces leurs paraissait
préférable à celle des hommes en cette période.
La terre basculait peu à peu dans la violence et
le chaos.
Le monde s’écroulait, les populations s’enfonçaient dans la tristesse et
le désespoir, plus encore dans la nuit du 12 au 13 décembre où il fit
encore plus sombre que d'habitude, un noir à couper au couteau.
Les habitants accablés,
chagrinés par toute cette obscurité, s’étaient convaincus que cette nuit était
ensorcelée, qu'elle appartenait aux démons, aux lutins, à la mort et à ses
servants, tels les draugars, des vampires qui suçaient leur sang, les
deildegasts, des revenants qui empoisonnaient leur vie et les tuaient à petit feu..
Les
fantômes erraient dans les villes et dans les campagnes, les ombres vaguaient dans les plaines et
dans les montagnes. Les démons en voulaient aux gens, à leur
corps et à leur âme.
Le peuple de ces contrées
froides et inhospitalières eurent en terreur cette nuit où les loups hurlaient
à la mort, comme pour saluer la venue de Hela.
Alors, ils se cachèrent,
ils se terrèrent dans leur maison pour ne risquer de rencontrer le diable
et les esprits maléfiques, qui affluèrent du monde des morts.
Cependant,
une enfant, une petite fille alluma sept bougies et s’en fit une couronne
qu’elle posa sur sa tête, afin d’éclairer son chemin. Puis, elle partit en pèlerinage dans les rues sombres de la
ville, pour implorer les dieux de rendre la vie au monde.
Des habitants des plus
courageux ou poussés par l'affliction, sortirent de leur maison, de leur cachette
et la rejoignirent.
Au fil des heures, une longue procession d'hommes
et de femmes se forma, ils s'en allèrent flambeaux à la main par mont et par vaux, en implorant les
dieux de leur restituer le soleil, de leur rendre la lumière.
Ils marchèrent longtemps,
ils prièrent fort, ils prièrent tellement fort
qu’ils auraient pu renverser une montagne, mais les dieux fidèles à eux-mêmes, restèrent
impavides à leur souffrance, sourds à
leurs supplications, dédaigneux à leurs prières.
Toutefois,
la petite fille priait avec une foi
inégalée, plein d’innocence et d’amour, que ses adjurations ébranlèrent les
murs de l’enfer, avant de toucher le
cœur de Lucifer, la prière de l’enfant émut le cœur de ce dieu terrible, le
plus redoutable de tous.
Alors, ce jour là, Lucifer par déférence envoya sa femme (Lussebrud), afin qu'elle leur apporte la lumière, cette
lumière que la petite fille réclamait avec tellement d'insistance, de foi et d'amour pour les siens.
Et depuis, les hommes et
les femmes de ce pays, célèbrent Sainte Lucie, la femme de Lucifer, celle qui
leur apporte la lumière des ténèbres au coeur de l'hiver.
Bonne Sainte Lucie à tous et à toute.
Et joyeux Noël !
Evariste Zephyrin
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