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Noël dans les pays du Nord
Pays Scandinave
Huit jours avant la solennité de Noël, les
places de Stockholm sont couvertes de sapins que les paysans coupent dans les
forêts voisines et viennent vendre en ville. Toute famille, si pauvre
soit-elle, a pour la grande veillée son arbre de Noël orné de lumières et garni
de jouets et friandises de toutes sortes.—Les pauvres ne sont pas oubliés: on
organise pour eux des fêtes et ils reçoivent des vêtements et d'abondantes
aumônes en argent.
En Norvège, la fête de Noël jouissait autrefois de certains
privilèges. Ainsi les poursuites de la justice étaient suspendues pendant
plusieurs jours, le plus généralement de Noël à l'Épiphanie. Cette trêve de
procès variait suivant les lois locales; parfois sa durée s'étendait jusqu'à
vingt jours.
Dans tous les Pays scandinaves, la fête de Noël se prépare
discrètement et dans le mystère, afin que les cadeaux offerts ce jour là
apportent à la fois surprise et contentement.
En secret, les petites filles mettent la dernière main à leur
travail; l'une a brodé une paire de pantoufles pour son père, l'autre un
coussin de canapé pour sa mère. Leurs soeurs aînées enveloppent dans un fin
papier blanc une bourse de soie faite au crochet et entourée d'une faveur rose,
ou encore confectionnent de belles et riches dentelles qu'elles offriront comme
nappes d'autel à leur église.
Dans quelques pays, la distribution des cadeaux est des plus
originales. Le présent, dissimulé soigneusement dans une gerbe de fleurs, une
botte de foin ou de paille, ou dans de multiples enveloppes d'étoffes, de feuillage
ou de papier, porte en grosses lettres le nom de la personne à laquelle il est
destiné. Le messager chargé de le remettre frappe fortement à la porte, qui
s'ouvre sans retard, et jette furtivement le Juleklap (c'est le nom suédois du présent) dans
la chambre où la famille se trouve réunie. Alors commence une scène fort
distrayante. Le destinataire se met à explorer minutieusement, au milieu des
cris de joie de tous les assistants, fleurs, foin, paille, feuillage ou papier,
afin d'arriver à l'objet convoité. Tantôt il trouve une épingle d'or, tantôt un
vase précieux, quelquefois une élégante et gracieuse statuette, quelquefois
aussi, après avoir déroulé les enveloppes mystérieuses, il ne trouve... rien.
Une explosion de rire accueille la déconvenue du patient, victime de cette
innocente supercherie.
Le Juleklap a quelquefois un caractère moral et
satirique. La dame trop élégante reçoit une poupée bizarrement attifée; le
châtelain qui, dans son salon, ménage trop la lumière ou laisse son antichambre
dans l'obscurité, reçoit une douzaine de lampions. A un bavard on adresse un
oreiller ou un éteignoir, à un fat, un col d'acier.
Quand il ne reste plus rien au fond de la corbeille, que les
enfants ont bien cherché dans les papiers éparpillés sur le plancher, pour voir
si l'on n'aurait rien laissé, la famille se rend à la salle à manger, où
l'attend un souper composé exclusivement de mets nationaux.
«Aux Pays scandinaves, le repas de Noël se distingue
des autres par le caractère traditionnel des plats qui y figurent. Pas de
souper de Noël sans jambon, accompagné de riz chaud arrosé de lait froid; puis
du Vortbrod, sorte de pain
fait avec de la farine de froment délayée dans de la bière non fermentée; enfin
l'indigeste lustsfisk.
Qu'on s'imagine une merluche ou morue sèche dessalée, bouillie
pendant trois jours dans une eau de cendre mêlée de chaux vive, et farcie
ensuite avec du poivre, de la moutarde et du raifort: voilà le lustsfisk»(1). Les vins d'Espagne fortement alcoolisés
peuvent seuls faire digérer un si plantureux repas.
Le soir de la veille de Noël, vers onze
heures, dans les hameaux, tout le monde monte en traîneau et se rend à
l'office. Mille étoiles scintillent dans le silence de la nuit, troublée
seulement par les grelots des chevaux qui font craquer la neige sous leurs
pieds. Ordinairement, auprès de l'église du village un vaste hangar offre un
abri: des bancs pour les paysans et des râteliers pour leurs chevaux. Aussitôt
l'office terminé, chacun regagne son logis au plus vite.
«Ce moment donne lieu, en Finlande, à une scène des plus
divertissantes. Une vieille croyance promet la meilleure récolte de l'année à
celui qui rentrera le premier dans sa maison, après l'office de Noël. C'est
alors toute une conspiration contre les équipages. Les jeunes garçons sortent
furtivement de l'église pendant l'office, détellent les chevaux, lient les
traîneaux les uns avec les autres, changent les colliers, embrouillent les
harnais, etc. On conçoit le désordre qui s'en suit, des cris, parfois des
coups; la place de l'église se change en véritable champ de bataille. Enfin,
les traîneaux sont retrouvés, chacun répare son attelage et part au galop: le
combat finit par une course au clocher» (2).
Dans la plupart des campagnes, les ménagères
veillent à ce que, pendant les fêtes de Noël, l'ordre et la propreté règnent
dans toute leur demeure. Il est d'usage de joncher les dalles de paille
fraîche, ce qui donne à la chambre de famille l'aspect d'une grange où l'on a
étendu les gerbes avant le battage. Est-ce en souvenir de la paille et de la
pauvreté de la crèche? Nous serions portés à le croire. Quoi qu'il en soit,
cette paille de Noël a, dit-on, une vertu merveilleuse: les animaux qui en
mangent sont préservés de toute maladie pendant l'année.
En Suède, les paysans veulent que tous les animaux prennent part à
la solennité de Noël: «Ce jour-là, dit M. Léouzon le Duc, ils donnent la
liberté aux chiens de garde, ils servent à leurs bestiaux un fourrage d'élite» (3).
C'est un usage assez répandu, en Suède et en Norvège,
d'offrir, le jour de Noël, un repas
aux oiseaux. La dernière gerbe de la moisson est soigneusement conservée,
chez les pauvres comme chez les riches, jusqu'à la veille de la grande
solennité. Le vingt-cinq Décembre, au matin, on la fixe au bout d'une perche et
on en décore le pignon de la maison. C'est un charmant et étourdissant concert
que celui de la gent granivore faisant tapage autour de ce mât pour picorer les
épis de blé. Tous les petits habitants de l'air prennent, eux aussi, leur
joyeux festin et rendent grâces à la Providence qui, dans un jour si heureux, a
voulu les combler d'allégresse. Cette ravissante coutume suédoise nous rappelle
ces deux vers si connus:
Aux petits
des oiseaux il donne leur pâture
Et sa bonté
s'étend sur toute la nature (4).
Un de nos meilleurs poëtes a gracieusement
chanté ce Réveillon des petits
oiseaux:
Et les
oiseaux des champs? Ne feront-ils la fête?...
Eux que
l'hiver cruel décime tous les jours,
Eux que le
froid transit, que la famine guette
Sur l'arbre
dépouillé du nid de leurs amours!
Oh, non! Pour
eux, l'on cherche une gerbe emmêlée
Où des
milliers d'épis se courbent sous le grain,
On l'étend
sur la neige: «—Accourez gent ailée,
«Car votre
nappe est mise, et prêt est le festin!»
Et vous voyez
d'ici le pinson, la fauvette,
Le menu
roitelet voleter à l'appel.....
Tout en
mangeant le grain, ils relèvent la tête,
Pour lancer une gamme, un cri de joie au ciel! (5)
Monseigneur CHABOT
Prélat de Sa
Sainteté
CURÉ DE PITHIVIERS (LOIRET)
3 décembre 1905
2) :Desclées, Noël.
3) :La fête de Noël en Suède et en Finlande.
4) :Racine, Athalie,
acte II, scène VII.
5) :Comtesse O'Mahony.
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