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Noël littéraire et païen
Que célèbre-t-on à Noël ?
De Singapour à Pékin,
Séoul, Paris ou Buenos Aires, Noël est devenu une fête universelle, avec sapin
quels que soient le climat et la religion. Les musulmans résistent un peu
mais au Maroc, des sapins apparaissent spontanément.
Noël, une victoire de la littérature et du
paganisme assurément ou une nouvelle manifestation de la civilisation
mondialiste ? Au départ , il y eut le solstice d'hiver et la bûche dans l'âtre,
pratique germanique et scandinave, pour passer le cap de la nuit effroyable.
Vint le christianisme qui y substitua d'autres symboles, celui de la naissance,
aube de temps nouveaux. Entrait-on déjà dans la littérature ? La Bible est
écrite mais elle n'est pas supposée être un roman.
Charles Dickens, lui, fut bien romancier et on le
crédite de l'invention du Noël en famille tel qu'on le célèbre. Avant ses
contes de Noël, on sortait de chez soi pour se rendre à la messe, dans le froid
souvent. Dickens décrit ou invente un rituel inversé : dorénavant, dans
l'Angleterre de son temps, on ne sort plus mais on rentre chez soi. La dinde
remplace la crèche : les Anglais à qui on doit beaucoup de nos moeurs
domestiques, définiront ainsi le nouveau modèle dominant. Les Américains qui
ont le sens de la réclame mettent Noël en image : Thomas Nast dessine le Père
Noël , en 1886 pour Harper's magazine,
tel que nous le connaissons, rubicond avec houpelande et attelage de rennes. À
la fin du 19éme siècle aussi, le Pére Noël absorbe Saint Nicolas, le flamand
distributeur de cadeaux : pour renforcer le caractère familial de
la fête sans doute.
Le Noël païen va curieusement influencer les Juifs,
a priori résistants à ces dérives : au 19e siècle, les enfants juifs en
Allemagne réclament des cadeaux , pour ressembler à leurs camarades de
classe chrétiens. De fait, le judaïsme allemand ressemblait de plus en plus au
culte protestant, par assimilation volontaire. C’est ainsi que la fête juive de
Hanuka, jusque là marginale (pas même dans la Bible), fut récupérée par
les Juifs libéraux : appelée aussi fête des lumières , le chandelier de Hanuka
a un air de sapin, et on y donne des cadeaux aux enfants.
Une invention de la tradition, Hanuka célébré en
diaspora est aussi étrange que le Père Noël à Pékin : Hanuka à l'origine,
commémorait la victoire, à Jérusalem, des zélotes sionistes contre les Juifs hellénisés
en exil volontaire. Pour nous résumer, un chrétien qui ne va pas à la messe et
décore un sapin rend hommage aux dieux oubliés de la Germanie et un Juif de
Paris ou New-York qui allume le chandelier de Hanuka rend hommage à la tribu
des Machabbées qui reconquit le temple de Jérusalem puis imposa la circoncision
forcée à la population locale.
Noël, fête de famille alors que les familles se
défont ou au mieux, se reconstruisent !
Et comment perpétuer une fête sans dieu, sans
dieux, sans idoles ? Dans les médias, en cette saison où les journalistes
tombent en panne d'informations, j'observe qu'il a souvent été question de
"respect de la planète", de jouets "recyclables" et autres
fariboles vertes comme nos sapins. Noël ou la célébration de la Terre, Gaïa ,
un retour avoué au paganisme des origines. Un seul monde avec Gaïa pour
déesse tutélaire ! Faut-il s'en réjouir ou chanter " Jésus reviens" ?
Guy Sorman
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