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Brighelli : ce que cache l'interdiction des crèches de Noël
Les pseudo-laïcards qui
s'offusquent des crèches dans les lieux publics souhaitent en réalité
éradiquer nos traditions pour imposer le multiculturalisme.
Oh, comme ils sont malins ! Ils
se drapent dans les oripeaux de la laïcité pour mieux imposer une
société multiculturaliste ! Ils prétendent agir au nom de la loi de
1905, quand leur agenda personnel a l'ambition d'ouvrir la France au
communautarisme, dont l'avènement rampant marque la dilution de notre
société ! Ils font mine de s'en prendre à un symbole de la chrétienté
(un faux symbole en fait) afin de promouvoir l'égalité des religions,
et de se faire les propagandistes d'un islam qui est tout de même très
loin d'être majoritaire. Et de l'autre côté, certains élus s'arcboutent
sur des traditions religieuses qui ne sont en fait que des traditions
populaires : l'aveuglement partout. Alors faisons le point.
Légendes et traditions
D'abord, éclairons ceux qui ne
savent pas : la tradition de la crèche remonte au chapitre XIV d'un
évangile apocryphe, le Pseudo-Matthieu, écrit en plusieurs étapes entre
le VIe et le XIIIe siècle. Si l'on veut être tout à fait exact, un
bas-relief sur un sarcophage représente pour la première fois le Christ
entre le boeuf et l'âne au IVe siècle. Et l'on n'a pas besoin d'être
docteur en théologie pour savoir que cette histoire d'animaux qui
adorent Jésus est tout ce que l'on voudra sauf catholique : dans la
tradition judéo-chrétienne, les animaux n'adorent pas Dieu, seul
l'homme peut le faire. Cette histoire de crèche ressemble bien
davantage à un recyclage de traditions païennes (tout comme le sapin de
Noël, symbole de la verdure persistante et qui renaîtra bientôt -
faut-il rappeler que ce n'est pas tout à fait par hasard que l'on a
fait coïncider Noël avec le solstice d'hiver ?) qu'à une vénération
authentiquement chrétienne. Les Rois mages, eux, n'apparaissent que
dans les Excerpta Latina Barbari, qui remontent au VIe siècle et qui sont un recueil de légendes.
Ajoutez à cela que le Père Noël, qui vient tout droit de Julenisse,
petit lutin des légendes nordiques assimilé par la suite à saint
Nicolas, n'est pas d'une chrétienté bien plus évidente que le Père
Fouettard, et vous avez avec la crèche un méli-mélo de légendes
populaires charmantes et naïves, dont on se demande qui elles peuvent
heurter - sinon les catholiques rigoureux qui devraient y voir à juste
titre un fatras de superstitions. D'ailleurs, le Concile de Trente a
fermement condamné le principe même de la crèche en 1563.
Démagogie
En pratique, la crèche, qu'elle
soit provençale, génoise ou napolitaine, sert essentiellement à mettre
en scène tout ce petit peuple dépourvu d'image dans l'art officiel. La
mairie de Marseille en réalisait une dans la Bourse de la ville où les
santons, de belle taille, représentaient l'ensemble des figures et des
métiers de Provence - y compris les comparses de la partie de cartes
pagnolesque, fort loin de toute référence chrétienne.
Je mets le verbe à l'imparfait : Jean-Claude Gaudin s'est avisé un jour
qu'une crèche pouvait heurter les croyances de ceux de ses concitoyens
qui croient en un autre dieu que Jésus. Et il l'a supprimée. J'ai
évoqué le fait ici-même - à propos, déjà, de laïcité. Et pour le
déplorer. Ce n'était pas respect de la laïcité, de la part d'un maire
qui orne son bureau de photos de Jean-Paul II. C'était démagogie.
La laïcité, faux nez du communautarisme
Car les "ayatollahs de la
laïcité" (l'expression est de Robert Ménard, en butte lui-même à
Béziers à une injonction préfectorale pour supprimer la crèche
installée dans sa mairie) qui s'insurgent, en Vendée et ailleurs,
contre cette tradition populaire qui ne fait de mal à personne et qui
alimente l'industrie du santon, à Aubagne et Marseille, ont peut-être
en tête un agenda tout autre que le strict respect de la loi de 1905.
Ces manifestations insupportables, à les entendre, d'un catholicisme
rampant, ont l'inconvénient de rappeler que, comme le disait de Gaulle,
"nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche,
de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu'on ne se
raconte pas d'histoires !" (cité par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle, Fayard, 1994-2000).
Qu'un homme comme Jean Baubérot, avec lequel j'ai déjà rompu quelques
lances par le passé et qui a refusé jadis de signer les conclusions de
la commission Stasi sur les signes religieux ostentatoires (à l'origine
de la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux ostentatoires
à l'école) en vienne immédiatement à comparer l'interdiction d'une
crèche vendéenne et la "répression" en France de l'islam est révélateur
de l'agenda multiculturaliste, pour ne pas dire plus, de certains :
"Dès le moment,dit-il à l'Obs, où un climat anti-islam s'instaure, il y
a, par ricochet, un durcissement à l'égard des autres religions, qui
aboutit à un climat d'intolérance générale dangereux pour les libertés
publiques."
Nous y voici. La répression des crèches témoignerait en fait d'une
laïcité agressive, révélée par l'interdiction du voile islamiste. Alors
que c'est exactement le contraire. Interdire les crèches, qui ne sont
jamais que des manifestations de "traditions locales culturelles" et
populaires, comme l'a d'ailleurs souligné l'Observatoire de la laïcité,
c'est affirmer qu'il n'y a plus en France de tradition majoritairement
chrétienne, que tout se vaut, et qu'il faut respecter non la laïcité,
mais toutes les croyances. Ce sont moins les athées militants qui
applaudissent cette interdiction que les multiculturalistes rampants.
Mathieu Bock-Côté, dans un article du Figaro, rappelle qu'au
Québec déjà en 2009, on était passé de "Joyeux Noël" à "Joyeuses
fêtes", puis à un curieux "Joyeux décembre", afin de ne choquer aucun
des sectateurs de l'islam : "Les symboles de Noël ne sont pas attaqués
d'abord en tant que symboles religieux, mais en tant que symboles
identitaires de la "majorité chrétienne" dont il faudrait contester les
privilèges symboliques. C'est en fait la querelle du multiculturalisme
qui se révèle (...) On veut déconstruire la culture nationale pour
mieux accueillir ceux qui arrivent."
La France soluble
Dans ce contexte, les
agnostiques de la Libre pensée qui se sont battus pour l'interdiction
de la crèche vendéenne sont contre leur gré les idiots utiles d'un
agenda communautariste : on interdit une crèche pour égaliser toutes
les religions dans une tradition française qui pourtant ne connaissait
que l'héritage gréco-latin - la Révolution, qui a éclaté en plein
néoclassicisme, en fit ses choux gras - et judéo-chrétien - la IIIe
République a instauré la séparation de l'Église et de l'État, mais elle
a pris en charge la réfection et l'entretien des milliers d'édifices
religieux de France : la restauration du Mont Saint-Michel, c'est la
République, et ce n'était certes pas au nom de principes religieux,
mais artistiques. Mais désormais, l'islam aura le droit de revendiquer
un même traitement, en affirmant qu'il est la tradition culturelle de
demain - puisque aussi bien on aura éradiqué les traditions culturelles
d'hier.
Le lecteur voudra bien m'excuser de m'être exprimé, aujourd'hui, sur
les marges de la question scolaire, à laquelle ces chroniques sont
ordinairement consacrées. Mais outre le fait que la laïcité, elle, est
en plein dans le débat sur l'éducation, et que je lui ai consacré ici
même maintes pages, il faut pour en finir proclamer que, oui, la France
est soluble dans le communautarisme et le multiculturalisme. Oui,
soluble, et bientôt dissoute.
Et cela ne m'est pas tout à fait indifférent.
JEAN-PAUL BRIGHELLI
source
9/12/14
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