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Le conte de Noël du général de Gaulle aux enfants de FranceQuel bonheur, mes enfants, de
vous parler ce soir de Noël. Oh ! je sais que tout n'est pas gai,
aujourd'hui, pour les enfants de France. Mais je veux, cependant, vous
dire des choses de fierté, de gloire, d'espérance. Il y avait une fois
: la France ! Les nations, vous savez, sont comme des dames, plus ou
moins belles, bonnes et braves. Eh bien ! parmi mesdames les nations,
aucune n'a jamais été plus belle, meilleure, ni plus brave que notre
dame la France. Mais la France a une voisine brutale, rusée, jalouse :
l'Allemagne. L'Allemagne, enivrée d'orgueil et de méchanceté, a voulu,
un beau jour, réduire en servitude les nations qui l'entouraient. Au
mois d'août 1914, elle s'est donc lancée à l'attaque. Mais la France a
réussi à l'arrêter sur la Marne, puis à Verdun. D'autres grandes
nations, l'Angleterre, l'Amérique, ont eu ainsi le temps d'arriver à la
rescousse. Alors, l'Allemagne, dont le territoire n'était nullement
envahi, s'est écroulée tout à coup. Elle s'est rendue au Maréchal Foch.
Elle a demandé pardon. Elle a promis, en pleurant, qu'elle ne le ferait
plus jamais. Il lui restait d'immenses armées intactes, mais il ne
s'est pas trouvé un seul Allemand, pas un seul ! pour tirer même un
coup de fusil après la capitulation. Là-dessus, les nations
victorieuses se sont séparées pour aller chacune à ses affaires. C'est
ce qu'attendait l'Allemagne. Profitant de cette naïveté, elle s'est
organisée pour de nouvelles invasions. Bientôt, elle s'est ruée de
nouveau sur la France. Et, cette fois, elle a gagné la bataille.
L'ennemi et ses amis prétendent que c'est bien fait pour notre nation
d'avoir été battue. Mais la nation française, ce sont vos papas, vos
mamans, vos frères, vos sœurs. Vous savez bien, vous, mes enfants,
qu'ils ne sont pas coupables. Si notre armée fut battue, ce n'est pas
du tout parce qu'elle manquait de courage, ni de discipline. C'est
parce qu'elle manquait d'avions et de chars. Or, à notre époque, tout
se fait avec des machines, et les victoires ne peuvent se faire qu'avec
les avions, les chars, les navires, qui sont les machines de la guerre.
Seulement, malgré cette défaite, il y a toujours des troupes
françaises, des navires de guerre et des navires marchands français,
des escadrilles françaises, qui continuent le combat. Je puis même vous
dire qu'il y en a de plus en plus et qu'on parle partout dans le monde
de ce qu'ils font pour la gloire de la France. Pensez à eux, priez pour
eux, car il y a là, je vous assure, de très bons et braves soldats,
marins et aviateurs, qui auront à vous raconter des histoires peu
ordinaires quand ils seront rentrés chez eux. Or, ils sont sûrs d'y
rentrer en vainqueurs, car nos alliés, les Anglais et les Russes, ont
maintenant des forces très puissantes, sans compter celles que
préparent nos alliés les Américains. Toutes ces forces, les Allemands
n'ont plus le temps de les détruire, parce que, maintenant, en
Angleterre, en Russie, en Amérique, on fabrique d'immenses quantités
d'avions, de chars, de navires. Vous verrez un jour toute cette
mécanique écraser les Allemands découragés et, à mesure qu'ils
reculeront sur notre territoire, vous verrez se lever de nouveau une
grande armée française. Mes chers enfants de France, vous avez faim,
parce que l'ennemi mange notre pain et notre viande. Vous avez froid,
parce que l'ennemi vole notre bois et notre charbon, vous souffrez,
parce que l'ennemi vous dit et vous fait dire que vous êtes des fils et
des filles de vaincus. Eh bien ! moi, je vais vous faire une promesse,
une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez bientôt
une visite, la visite de la Victoire. Ah ! comme elle sera belle, vous
verrez !
Le général Charles de Gaulle
Decembre 1941 |
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