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NoëlGrâce à des amitiés jeunes, grâce Aux enfants de mes amies et à ceux qui jouent dans le jardin du Palais-Royal, je ne perds pas tout contact avec l’enfance d’aujourd’hui. Malgré les soucis alimentaires, malgré ce terrible appétit de la jeunesse, qui renaît à peine comblé, ils n’ont pas perdu toute fantaisie dans le souhait, ceux qui, avec le léger rire des scep tiques âgés de six à dix ans, font encore crédit au « Père Noël », non sous son apparence humaine, chenu et caparaçonné d’une hotte pleine, mais sous son aspect vague et éblouissant de miracle ambulant. C’est ceux là que j’aime demander : « Qu’est-ce que tu voudrais pour Noël ? » Car il faut les ques- tionner sous une forme évasive et se garder par exemple de dire : « Qu’est-ce que le père Noël va t’apporter ? » Il est élémentaire aussi de ne pas accueillir leurs réponses avec un rire d’ironie, un rire de parents et un mot de parents : « Mon Dieu, mon pauvre petit, où vas-tu chercher des idées si bêtes ! »… « Vous entendez ce que dit Janine ? Je me demande si cette enfant n’est pas un peu piquée ! Savez-vous ce qu’elle voudrait pour Noël ? » non, madame, je n’en sais rien, et j’ai pas souci de l’apprendre par votre bouche. La « piquée » me le dira si elle me juge digne de sa confiance, et je n’éclaterai pas de rire, et je ne hausserai pas les épaules. Déjà j’ai dans la mémoire une liste d’étrennes et de cadeaux de Noël que vous trouveriez étrange, car vous avez perdu cette charmante fantaisie qui faisait de vous, à l’âge de quatre ans, un si étonnant petit personnage – du moins, c’est votre mère qui l’affirme. Colette, Belles saison, 1873-1954 |
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