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La rencontre à Bogota


Hugo Hennequin

Le photographe Hugo Hennequin a raconté sur son mur une aventure émouvante qui lui est arrivée en Colombie. Je la partage avec vous.


« Je voyage avec mon pote Thomas, on est deux musiciens, deux buskers. On était à Bogota, en Colombie, et jouait dans la rue pour la première fois de notre voyage, pour gagner quelques sous. Au bout de dix minutes, un gars nous a approché, avec un masque sur le visage pour la pollution, et nous a demandé si on pouvait jouer quelque chose de joyeux. Donc on lui a joué « le lion est mort ce soir », il nous a écouté, puis nous a dit : écoutez, je vais vous expliquer ce dont j’ai envie…. Ma femme est malade, elle a un cancer… et donc j’aimerai que vous veniez jouer pour elle, que vous me suiviez chez moi.

Donc sur le coup, on hésite, à suivre cet inconnu, un homme de 40 ans, en plein Bogota, mais bon, un gars plutôt bel homme, qui physiquement tout de même attisait notre sympathie. Il a dit qu’il nous payerait, quelque chose comme 30 000 pesos colombiens, et on l’a suivi. On a pris un bus, puis un autre bus, et on arrive chez lui, dans un appartement assez chic. On prend l’ascenseur, et on arrive devant sa porte, et là il nous demande de commencer à jouer. Donc on commence à jouer, et on entre dans son intimité, dans l’appartement, on voit sa femme, avec un tuyau dans le nez et une bouteille d’oxygène, qui joue avec leur fille, qui doit avoir un an. On s’installe tout en jouant, et là première surprise de sa femme, qui voit rentrer deux saltimbanques, deux français chez elle, qui jouent de la musique en anglais… Au final, première chanson, on se présente, et on lui dit : voilà, ton mari nous a demandé de venir jouer quelques chansons, alors on va jouer. On a joué en tout une quarantaine de minutes, pendant lesquelles ils s’embrassaient, s’enlaçaient, ils jouaient un peu avec leur fille, ils souriaient…

Et à la fin, ils nous demandent de jouer une musique, une dernière, celle de leur rencontre. Par chance on la connaît, c’est I’m yours de Jason Mraz, alors on la joue, et à nouveau ils s’embrassent, ils dansent, c’était assez spécial car cette musique représentait aussi quelque chose pour mon pote et moi. On finit, et là, c’est bizarre, on est là que depuis une heure, et on est rentrés dans leur intimité, dans la maladie, dans l’Amour, et la femme nous enlace, nous remercie.

Lui veut nous payer, bien sûr, on refuse, parce qu’au final, ça n’avait aucun intérêt, et il nous raccompagne à l’ascenseur et nous explique que sa femme n’en a plus pour très longtemps, et qu’il souhaite la faire vivre chaque jour, la faire rire, la surprendre jusqu’à ce qu’elle s’en aille: « vous savez, les jeunes, quand vous aimez une personne, plus fort que tout, et que vous savez que cette personne va mourir, vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour lui donner du bonheur, ça passe par demander à deux jeunes dans la rue de venir jouer à la maison, par des petits cadeaux, des petites attentions tous les jours… »

On s’est dit avec mon pote qu’à la fin de notre voyage, cette personne ne serait surement plus là, et ça nous a rendu triste. L’homme a fondu en larmes, et c’est bizarre, cet homme de 40 ans, qui se laisse aller à fondre en larmes, on oublie le côté viril et toutes les manières, là c’est de l’Amour, de l’amitié, c’est tous ces bons sentiments qui sont retranscrits dans ces deux heures de vie commune qu’on a partagé.


On est redescendu avec l’ascenseur, et on s’est retrouvé dans la rue avec nos deux guitares, on a retrouvé le bruit des klaxons, la pollution, ça nous a réveillé. On a marché une dizaine de minutes sans se parler, sans savoir où on allait, et Thomas m’a dit : mec, qu’est ce qui vient de se passer ? On en a parlé, les yeux brillants, puis plus tard avons décidé d’écrire un article sur cet histoire, qu’on a appelé « leccion de vida ». Anna Maria, Daniel et leur fille Anna Sophia nous ont éblouis par leur joie, leurs ténacités, leur bonheur, et nous ont montré qu’il fallait se battre pour les choses qui en valaient la peine… »


Hugo Hennequin


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