A Marseille dans la froidure
hivernale méditerranéenne, je remontais la Canebière à la découverte de
cette métropole aux mille facettes, dont l’humeur se démultiplie
fonction du lieu. Dans la grisaille matinale la ville offrait sa
vitalité et sa saleté, les rues couvertes de déchets, à croire que le
service de voirie était en grève, on s’étonne et on avance.
J’entre dans l’église Saint Antoine et remarque une crèche que j'ai
voulue photographier, mais je n’ai pas pu, car l'accès était fermé. Une
paroissienne m'invite à assister à la messe à 18h30, me disant qu'elle
était incroyable.
Cette femme est était fort jolie, son regard illuminé, empreint de
cette lueur qu'ont les mariolâtres, elle m'a fait l'effet d'une dévote,
d'une jolie dévote ayant misé toute sa vie sur sa foi en Christ ou en
Marie.
Tenant à faire ces photos de la crèche, je me suis rendu à cette
"fameuse messe" avec un peu de retard. En effet, elle était assez
incroyable, le prêtre avait une présence à l'image des pasteurs noirs
américains, l'homme jouait de son corps, sa voix se modulait, se
faisant forte, douce, parfois susurrante comme voulant nous faire une
confidence, à d'autres elle était pleine d'emphase, de prestance, je me
disais que cet homme finirait cardinal, rarement vu un prêtre de cette
qualité, il aurait pu être comédien ou mieux encore gourou, l'homme
vivait sa foi et en donnait une belle image.
L'homme fit un prêche sur l'amour, magnifique, plein d’empathie, il
parla de cet amour qui libère et nous grandit, de cette obligation de
le répandre autour de nous.
Je reconnaissais la beauté de son message, sans pour autant adhérer,
car je pense que c'est la violence qui nous libère, car dans le monde
actuel, si nous ne nous rebellons pas, nous serons asservis par les
forces de l'argent.
Debout contre un des piliers de l'église au niveau du transept, je me
disais à moi-même, plus que je vieillis plus que je m'endurcis, je me
navre que l'amour et la compassion désertent mon coeur.
La messe se termine, les fidèles peinent à quitter les lieux, les
prêtes s'en vont, je me presse pour aller faire mes photos de la
crèche, à croire que la messe ne les a pas suffi, d’aucunes viennent
prier devant la crèche, ce qui limite mes prises de vue.
Insatisfait, je me décide de quitter l'église, je croise la dame du
matin, je la salue, elle me prend la main et elle la baise. C'est bien
la première fois que pareille chose m'arrive, sa fille qui
l'accompagnait 18 ou 20 ans, me jette un regard des plus hostiles, ses
yeux m'assassinent.
Nous discutons un court moment, elle m'invite à venir dimanche matin à
l'église, je décline son offre, car je serai de retour en région
parisienne, elle me demande si je reviens bientôt, je lui réponds que
reviendrai pour une dizaine jours l'an prochain, cette ville m'a
séduite.
Je ne m'attarde, mais le baise-main a eu comme des effets cathartiques,
toute la colère qui coulait dans mes veines m'a déshabité, elle m'a
comme rechargé d'amour et de bonté.